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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 18:15

La Trinité de Roublev ou la révélation du partage en Dieu

 

La loi de la vie est le partage

Mais, pour entrer dans le partage, il faut faire sa place à l’autre

Un jour, un jeune Chinois, que nous avions accueilli dans un groupe de parole, qui réunissait une quinzaine de participants, nous a présenté un conte de son pays, intitulé Échange et partage. Aujourd’hui encore, ce conte reste pour moi un texte de référence pour comprendre le fonctionnement de la vie humaine. Non seulement il insiste sur le partage et la place de l’autre mais il nous livre la structure qui conduit à la vérité pour qui veut se mettre en recherche sur le sens de l’existence. Aussi, après avoir présenté le conte, nous suivrons pas à pas la démarche proposée pour répondre aux questions essentielles que la vie fait surgir aujourd’hui comme elle les avait déjà mises en évidence, il y a de nombreuses années.

Échange et partage

Un jeune paysan chinois travaille un lopin de terre. Il le tient d'un Grand Seigneur local. Il s'épuise à longueur de journée, sans réellement gagner sa vie. Sans doute la loi des choses n'est-elle pas respectée."J'irai, dit le jeune paysan, interroger le Dieu de l'Ouest."

Le jeune homme achète des provisions pour sa mère âgée et part en direction de l'Inde. Au bout de quarante-neuf jours, il trouve une vieille femme compatissante, qui l'héberge pendant trois jours. On bavarde. Elle s'intéresse à son projet. "J'ai aussi, avoue-t-elle, une question à poser au Dieu de l'Ouest. Ma fille est belle et intelligente et pourtant elle ne parle pas." Le jeune homme promet de soumettre sa question au Dieu.

Il continue son pèlerinage. Quarante neuf jours plus tard, un paysan, âgé et plein d'expérience, lui offre, à son tour, l'hospitalité. Mêmes confidences, même écoute intéressée. Une question nouvelle finit par se préciser. Il faudrait également la soumettre au Dieu. Pourquoi de nombreux orangers, situés près de la maison, ne produisent-ils pas de fruits ? Ils sont pourtant en pleine vigueur et  couverts de superbes feuilles.

Le pèlerin accumule ainsi les interrogations et poursuit son cheminement. Il arrive finalement vers un immense fleuve qu'il ne peut traverser. Que va-t-il faire ? Un dragon l'interpelle. Où va-t-il ? Quel est l'objet de son voyage ? Le dragon promet de lui faire traverser le fleuve sur son dos. En échange, le jeune homme devra interroger le Dieu sur un problème qui le tracasse depuis longtemps. Pourquoi ne peut-il pas s'élever dans les airs, alors qu'il pratique la vertu depuis mille ans ? C'est promis, la question sera posée. Et rapidement le fleuve est traversé. Plusieurs semaines s'écoulent encore. Le jeune homme finit par se trouver devant un temple. Un beau vieillard s'approche de lui et lui demande l'objet de sa visite. Il présente ses interrogations, mais le vieillard l'arrête. "Tu ne peux poser au Dieu qu'un nombre impair de questions. Tu as quatre questions. Il te faut sacrifier l'une d'entre elles." L'épreuve est difficile. La nuit entière est nécessaire pour réfléchir. Au petit matin, la décision est prise. Le jeune Chinois sacrifiera sa propre question.

Les questions sont posées au Dieu et les réponses arrivent aussitôt.

Le pèlerin prend la route du retour et trouve le fleuve qui l'avait  immobilisé à l'aller. Apparaît alors le dragon, curieux de la réponse du Dieu. Le jeune Chinois lui livre sans détour le message. "Tu dois faire deux bonnes actions : me faire traverser et ensuite ôter la perle que tu as sur le front." La traversée se fait en quelques minutes. Le dragon s'arrête, pose la perle sur le sol. Aussitôt, des cornes poussent sur son front et il se met à voler. Se retournant, avant de disparaître, il s'adresse au voyageur et l'invite à prendre la perle, en échange de ses services.

Un à deux mois plus tard, il rencontre à nouveau le propriétaire d'orangers. Celui-ci s'inquiète, à son tour, du message de Dieu. "Il te faut, lui dit son hôte, enlever les sacs d'or et d'argent, enfouis sous ta citerne." Les deux hommes creusent et finissent par retirer les sacs camouflés sous la terre. A peine ont-ils terminé leur ouvrage que la citerne se remplit d'eau. Les arbres sont arrosés et se mettent à produire des oranges d'une exceptionnelle qualité. Ravi de cette aubaine, le propriétaire cède la moitié de son or et de son argent au voyageur qui reprend la route.

Ce dernier chemine encore de nombreux jours. La vieille femme qui l'avait hébergé à l'aller est là qui l'attend, à la porte de sa maison. A peine le voit-elle qu'elle court à sa rencontre et l'invite à se reposer à nouveau. Elle s'enquiert de la réponse au problème de sa fille. Le Dieu a dit qu'elle parlerait le jour où elle deviendrait amoureuse d'un jeune homme. Là dessus, la jeune fille entre dans la pièce où s'échangent les paroles mystérieuses. Soudain, elle devient rouge et demande : "Mais qui est ce jeune Chinois ? » La mère comprend que son drame se dénoue. Les noces s'organisent dans la joie retrouvée. Et finalement, la fille quitte sa mère en compagnie de son nouveau mari, muni de sa perle et chargé de sacs d'or et d'argent.

Lorsque le long périple s'achève, le jeune voyageur s'étonne de ne pas apercevoir sa mère. Elle est cloîtrée dans sa demeure. Elle a renoncé à l'espoir de revoir son fils et en a perdu la vue, tant elle a versé de larmes. Quel désastre après une aventure pleine d'imprévus merveilleux ! Si au moins cette mère pouvait partager le bonheur de son fils! A peine le jeune homme a-t-il prononcé intérieurement ce souhait que les yeux de l'aveugle s'ouvrent.

Il reste encore un souhait à formuler pour que la joie soit à son comble. Si au moins tous les paysans, qui travaillent si dur, pouvaient gagner leur vie ! Dans la nuit même, tous les grands propriétaires, qui ne travaillent pas, s'endorment à jamais.Et le conte s'achève. (Conte chinois — transmis par un Chinois)

 

 

1. La question : Pourquoi l’homme ne gagne-t-il pas sa vie correctement ?

L’homme se met en marche sur la base d’un manque : il manque de connaissance sur une dimension essentielle de sa vie. Un tel manque de connaissance s’exprime dans une question qu’il faudra essayer de résoudre. Hier il ne pouvait pas gagner correctement sa vie. Aujourd’hui encore la même question devient lancinante : chômage, temps partiels, salaires insuffisants, pauvreté, effondrement des entreprises... C’est tout le système économique et social qui est remis en cause.

2. le retour à la source ou la recherche de l’écriture fondatrice

Le texte nous dit que le jeune paysan chinois va chercher la solution à son problème auprès du Dieu de l’Ouest. C’est sa manière à lui de se mettre en quête des fondements. Or, pour simplifier, nous dirons que le monde est fondé sur une écriture « fondamentale ». Aujourd’hui toute la recherche scientifique est en quête d’une telle écriture. De leur côté, les hommes en recherche de sagesse, s’efforcent de déchiffrer les grands textes symboliques. Chacun est invité à faire son pèlerinage aux sources, là où surgit l’écriture du monde et des hommes du monde.

3. La confrontation aux autres pour préciser la question

La question d’un seul homme n’est pas suffisamment précise. Il convient de la confronter aux questions des autres hommes pour découvrir ses contours et ses différentes dimensions. Au hasard de ses rencontres, le pèlerin chinois entre dans le partage de sa question qui fait surgir d’autres questions. C’est comme si le monde entier posait question et invitait tous les hommes à se mettre en recherche. Il ne s’agit pas d’abord de trouver une réponse mais d’apprendre à bien poser sa question.

4. La découverte de la loi ou de l’écriture fondatrice

Lorsque chaque question est bien posée au point de renvoyer à une même question plus fondamentale, la découverte de l’écriture fondatrice ou de la loi devient plus aisée. Le dieu peut s’exprimer. La bonne question fait surgir la bonne réponse. Le manque présent dans la question est le moteur de la recherche et le meilleur atout pour trouver les réponses les plus adéquates.

5. Même après la découverte de l’écriture fondatrice, la question doit rester ouverte

Le paysan chinois est amené à sacrifier sa propre question au moment même où il s’adresse indirectement au dieu. A première vue, le lecteur est étonné en découvrant une telle exigence. En fait la précaution du dieu révèle une des conditions indispensables de la recherche : le questionnement doit toujours rester ouvert car l’écriture fondatrice ne se révèle jamais complètement. La recherche avec ses questions devra constamment revenir à la charge.

6. Un jeu finit par s’établir entre l’écriture et la parole

Il s’agit en réalité de faire parler l’écriture et de donner ainsi naissance à la parole d’interprétation. La parole, dans la recherche, est d’abord question et ensuite parole d’interprétation si nous acceptons de considérer qu’elle est toujours référée à une écriture qui la précède. La recherche, qu’elle soit d’ordre scientifique ou d’ordre éthique, est amenée à faire jouer ensemble l’écriture et la parole, pour aboutir au meilleur déchiffrement et la tâche du déchiffrement est toujours à reprendre. Sans la question, il n’est pas de recherche et sans l’interprétation l’écriture peut être meurtrière ; elle peut nous conduire en dehors des chemins de la vérité.

Le dragon, le propriétaire des orangers, la mère de la fille muette n’ont pas fait qu’obéir aux injonctions du dieu ; ils ont su en tirer les conséquences en faisant entrer le jeune pèlerin dans leur propre jeu.

Par ailleurs, le dieu n’a pas répondu à la question du paysan chinois. Mais celui-ci, avec les bribes de réponse données et les réactions de ses interlocuteurs, peut pénétrer dans le jeu de l’écriture et de la parole pour trouver lui-même la solution à son propre problème.

7. Le jeu suppose qu’il y ait du manque de part et d’autre

C’est parce qu’il y a du manque que le jeu est possible. Si l’ajustement était parfait il n’y aurait plus de jeu. Le jeu est notre espace de liberté pour inventer la vie avec l’élan de la vie lui-même. Il y a manque du côté de l’écriture : comme nous l’avons déjà souligné, l’écriture n’est jamais totalement dévoilée. Il y a manque du côté de la parole : l’interprétation est toujours à reprendre.

8. L’espace intermédiaire ainsi créé est l’espace de la vérité

Le dieu du conte nous fait entrer dans l’espace de vérité et cet espace de vérité n’est autre que l’espace du jeu entre l’écriture et la parole. Ainsi la vérité n’est pas fondée sur la seule parole. Elle fait jouer, en même temps, l’écriture et la parole. Sans une telle indication, de nombreux problèmes qui se posent à nous aujourd’hui peuvent demeurer insolubles, notamment la place de la femme dans la société ou la liberté du croyant dans l’Islam.

9. L’espace de vérité révèle que la loi de la vie est le partage

Tous ceux qui se sont interrogés sur le dysfonctionnement de la vie ne peuvent trouver la voie de la vérité libératrice qu’en entrant dans le partage. Le dragon partage les honneurs dont il bénéficie en donnant au pèlerin la perle qu’il porte sur le front. Le propriétaire ne doit pas enfouir sa fortune dans le sol pour être le seul à en profiter : il doit le faire fructifier aussi pour les autres. Et, dans un geste symbolique, il donne la moitié de son or et de son argent au paysan chinois. Quant à la mère, elle doit accepter de se séparer de sa fille pour qu’elle puisse partager sa vie avec un jeune garçon, qui n’est autre que le jeune pèlerin. Le partage de l’amour se révélera être aussi partage de la parole et donc guérison du mutisme destructeur.

De son côté enfin, le jeune paysan chinois comprend que les grands propriétaires condamnent le système économique sur lequel il s’appuie car ils empêchent le partage. C’est la loi de la vie elle-même qui va les amener à disparaître. Il ne fait pas de doute que les spéculateurs financiers actuels  devront eux-mêmes subir le même sort si nous acceptons de redonner toute sa place à la loi du partage.

10. Mais le partage lui-même n’est possible que s’il y a acceptation du manque

Partager, c’est accepter de n’être pas tout-puissant. C’est accepter de manquer pour faire sa place à l’autre avec qui je suis invité à partager. Et le jeu qui est ainsi proposé dans le conte « Échange et partage » est finalement celui de l’amour, comme loi d’une vie appelée à se multiplier en se divisant (partageant).

Etienne Duval

Blog de juin 2013

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commentaires

B
Le partage est non seulement la loi de la vie, mais plus profondément sa condition d'existence.<br /> Nous prenons progressivement conscience que la vie se déploie, au moins pour ce que nous savons d'elle, dans un espace fini, la biosphère, elle-même contenue dans notre petite planète bleue, petite boule dans un univers que la science nous fait découvrir de plus en plus immense au fur et à mesure que fuient les galaxies....Et nous prenons en même temps conscience que l'organisation de la société humaine telle qu'elle est aujourd'hui aboutira à une impasse à un horizon qui se compte en quelques générations et non en millénaires : changement climatique, épuisement des ressources, pollutions non maitrisées...La cause de cette organisation désastreuse qui conduit l'humanité à sa perte et à terme à sa disparition ( car nous sommes dans une situation où il ne s'agit pas seulement de la mort de civilisations, comme par le passé, mais de la disparition possible de la vie humaine telle que nous la connaissons par destruction des conditions d'existence de la biosphère ) est, pour l'essentiel, l'oubli de l'existence de l'autre : surexploitation des ressources et production de nuisances très fortes par un petit nombre et oubli de la multitude des humains, ou gestion des ressources en oubliant les générations futures...Tout cela est signe de l'oubli de l'autre.<br /> Pourtant le salut existe: l'homme a abimé sa petite planète en se servant de la science et de la technique, mais il peut la sauver en se servant de la science et de la technique. Mais pour opérer ce basculement, un choix d'ordre moral est nécessaire accepter de partager avec tous nos frères humains...C'est la condition de notre survie...
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E
« Je ne suis qu’un maillon dans la chaîne des narrateurs, un anneau entre les anneaux, je répète à mon tour la vieille histoire, et si elle sonne neuf, c’est que le neuf était en elle quand elle fut dite la première fois » Martin BUBER <br /> <br /> <br /> Parabole [ou l’art du rapprochement et de la comparaison ] à l’attention des riches propriétaires<br /> <br /> « Avant l’avènement, du Messie, le monde connaîtra une ère de grande prospérité de grande abondance. Les [….] seront riches. Ils s’habitueront à mener un grand train; et la sobriété, ils la rejetteront. Ensuite viendrons les années de disettes et de maigre grain ; la pauvreté sera sur le monde. Mais les riches ne seront taire en eux la faim irréfrénée de leurs besoins accrus. C’est alors qu’il commencera, le travail dans les douleurs de l’enfantement du Messie » Paroles du Baal-Shem-Tov transcrites par Martin Buber page 139 dans le recueil &quot; Les récits hassidiques 1&quot;<br /> <br /> <br /> Pour entendre un autre mode de transcription du Baal-Shem-Tov cliquez sur &quot;Ernest Bloch&quot;
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E
Compositeur juif suisse naturalisé américain, du siècle dernier Ernest Bloch, est l’exemple du musicien totalement empreint d’expression sacrée et de haute spiritualité. Souvent traduite par les instruments comme le violoncelle ou l'alto, la voix donc instrumentale ou humaine.<br /> Il est passé à la postérité comme le plus grand compositeur juif. En vous présentant ce musicien nous essaierons de ramener cette légende à sa juste place car :<br /> 1) à mon sens, le plus grand compositeur juif et qui n’a jamais voulu écrire de musique juive, s’appelle Gustav Mahler. <br /> 2) Bloch n’a jamais eu la prétention d’imiter le vocabulaire de la musique juive en reprenant son folklore et ses tournures, il a voulu retrouver le souffle biblique et magnifier l’histoire du peuple juif par sa musique originale :<br /> « Il n’est pas dans mon intention ni dans mon souhait de travailler à la restauration de la musique juive. Je ne veux pas baser ma musique sur des mélodies plus ou moins authentiques. Je ne suis pas un archéologue. Je crois que la chose la plus importante est d’écrire de la musique sincère et bonne, la mienne. Ce qui vraiment m’intéresse est l’esprit hébraïque. Cette âme complexe, ardente, agitée que la bible fait vibrer en moi. La vigueur des Patriarches, la violence du livre des Prophètes, l’amour brûlant de la justice, la douleur et la grandeur du livre de Job, la sensualité du Cantique des Cantiques. <br /> Tout cela est en nous, tout cela est en moi, et c’est la meilleure part de moi-même » déclare Bloch et il explique mieux que nous toute sa musique ainsi. Donc au travers de la présentation de ce musicien nous aimerions célébrer ce musicien solitaire et intransigeant.<br /> <br /> Cliquez pour en savoir plus
M
Le conte du jeune chinois ou Lorsqu’après une crise la foi se renouvelle.<br /> <br /> Il n’est pas rare que l’homme qui se trouve à l’origine de ce renouveau ne soit pas un pur spirituel (au sens que le monde donne à ce mot). Son caractère tire sa force d’une union exceptionnelle des puissances spirituelles et telluriques, une fusion de la lumière céleste et du feu terrestre, où le sublime, toutefois détermine la figure personnelle nourrie du feu d’en bas.<br /> Une vie de cette sorte est une perpétuelle réception du feu d’en bas et sa transformation en lumière. Ce double mouvement intérieur commande son action sur le monde : il ramène vers la terre ceux que la pensée avait éloignés de leur élément naturel, et il porte au plus haut du ciel ceux qui succombent sous le fardeau terrestre.<br /> Martin BUBER<br /> <br /> Extrait de l’introduction : Les récit hassidiques 1<br /> <br /> Cliquez, je vous prie sur Martin BUBER
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E
La participation à un colloque sur les séparations. Cliquez !
D
J'apprécie bien ce petit mot de Buber. Il résonne d'autant plus en moi, que je suis en train de travailler sur les espaces intermédiaires : le feu d'en haut et le feu d'en bas se renforcent l'un et l'autre pour faire apparaître la véritable lumière.
P
VENT DU SUD<br /> <br /> Dans la jungle terrible jungle<br /> Le lion est mort ce soir<br /> Et les hommes tranquilles s'endorment<br /> Le lion est mort ce soir<br /> <br /> Wimboe wimboe wimboe<br /> <br /> Tout est sage dans le Village<br /> Le lion est mort ce soir<br /> Plus de rage plus de carnage<br /> Le lion est mort ce soir<br /> <br /> wimboe wimboe wimboe<br /> <br /> L'indomptable le redoutable<br /> Le lion est mort ce soir<br /> Viens ma belle viens ma gazelle<br /> Le lion est mort ce soir<br /> <br /> Wimboe wimboe wimboe<br /> <br /> Dans la jungle terrible jungle<br /> Le lion est mort ce soir<br /> <br /> Le lion est mort ce soir<br /> Chanson populaire africaine, composée par Solomon Linda en 1939, popularisée dans sa version française par le chanteur Henri Salvador <br /> <br /> Bien sur tout le monde connaît ! Alors viens écouter les élèves du collège Henri-Barbusse de Bagneux. <br /> <br /> Appuyez et Ouvrez-bien vos Petites Oreilles, et vos Grandes Soreillettes.
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L
Je me sens plus à l'aise en français !
L
Oui la violence et la toute puissance peuvent habiter chez cette vielle femme. <br /> <br /> Elle est encore là l’Emmerdeuse la Tueuse <br /> <br /> Un jour un avocat général exige encore une condamnation à mort afin, de calmer l’opinion publique indignée.<br /> <br /> Le célèbre avocat dit :<br /> « L'opinion publique délibère à vos côtés ? L'opinion publique est parmi vous ? Chassez là, cette intruse, cette prostituée qui tire le juge par la manche ! <br /> C'est elle qui au pied de la croix criait: &quot;crucifie-le&quot; ! C'est elle qui d'un geste de la main renversée, immolait le gladiateur agonisant dans l'arène; c'est elle qui applaudissait aux autodafés d'Espagne, comme au supplice de Calas; c'est elle enfin qui a déshonoré la révolution française par les massacres de septembre, lorsque la farandole ignoble accompagnait la Reine au pied de l'échafaud et, qui, un siècle plus tard, crevait du bout de son ombrelle les yeux des communards blessés… » <br /> Vincent de Moro-Giafferri,<br /> <br /> Pour, les femmes qui comme moi sont malades de Gilles de la Tourette <br /> Ecoutez &quot;La mer&quot; ça calme la Tas – Pé
L
Si j'ai bien compris, la violence ou plutôt la toute-puissance empêche le partage. Mais la violence et la toute-puissance ne sont pas toujours là où nous croyons qu'elles sont. Elles peuvent être même chez cette vieille femme, qui avait pourtant réussi par sa présence et sa parole à dépasser la peur de la violence d'un lion pour en faire son ami.C'est un superbe conte africain qui nous le dit.<br /> <br /> Le lion et la vieille femme<br /> <br /> <br /> Il était une fois, dans un village d’Afrique, une vieille qui était si vieille<br /> Qu’elle ne pouvait plus travailler aux champs.<br /> Ce qu’elle pouvait faire, <br /> C'était prendre une grande calebasse, <br /> La mettre sur sa tête, partir à la rivière,<br /> Remplir la calebasse de l’eau de la rivière et revenir au village avec de l’eau.<br /> Elle faisait ça tous les matins. <br /> <br /> Or, un matin, alors qu’elle était penchée au-dessus de l’eau<br /> Et qu’elle était en train de remplir sa calebasse,<br /> Voilà que, tout à coup, elle sent à côté d’elle un souffle.<br /> Elle se tourne doucement et qu’est ce qu’elle voit sur la rive à ses côtés ? <br /> Un lion, un lion d’Afrique, qui la regardait. <br /> <br /> Elle n’a pas bougé, c’était une vieille, une vieille Africaine. <br /> Elle savait ce qu’il faut faire en face du lion. <br /> Quand tu es un homme, ton regard d’homme écrase celui du lion<br /> Et tu peux le vaincre par le regard, si tu ne baisses pas les yeux. <br /> Elle a regardé le lion droit dans les yeux.<br /> Le lion n’a pas bougé.<br /> La vieille l’a regardé si longtemps qu’elle a eu confiance. <br /> Elle a senti que le lion ne l’attaquerait pas. <br /> <br /> Alors, elle s’est redressée lentement, <br /> Elle a mis sa calebasse pleine d’eau sur la tête, <br /> Lentement, elle a reculé, lentement, elle s’est retournée<br /> Et elle a marché d’un pas décidé dans la savane en direction de son village. <br /> <br /> Le lendemain, quand, au petit matin, elle est allée à la rivière,<br /> Voici que le lion était encore là. <br /> Il semblait l’attendre.<br /> Elle l’a regardé, elle n’avait plus peur de lui.<br /> Elle savait qu’il n’attaquerait pas. <br /> <br /> Alors, elle a pris son eau à la rivière,<br /> Elle l’a mise sur sa tête beaucoup plus vite que les autres jours.<br /> Puis, elle a regardé le lion, elle lui a même souri. <br /> Et puis elle est partie dans la savane, en direction du village. <br /> <br /> Et tous les jours où elle allait chercher de l’eau à la rivière,<br /> Le lion était là qui l’attendait. <br /> Petit à petit, ils se sont apprivoisés l’un l’autre. <br /> Elle s’est mise à lui parler.<br /> Le lion a grogné gentiment comme un chat qui ronronne. <br /> Bientôt le lion s’est mis à la suivre, dans la savane.<br /> D’abord, il était à quelques pas derrière elle,<br /> Et puis, les jours passant, il était plus près d’elle. <br /> Un jour, il s’est trouvé à ses côtés. <br /> Il marchait avec elle jusqu’à la fin de la savane, à l’entrée du village. <br /> Il n’allait jamais plus loin. <br /> Et c’est ainsi que la vieille femme est devenue l’amie du lion. <br /> Et le lion, l’ami de la vieille femme. <br /> Tous les jours, elle le retrouvait, tous les jours, ils se parlaient d’une certaine manière.<br /> <br /> Elle lui racontait tous ses souvenirs de vieille femme,<br /> Elle lui racontait tous ses soucis de vieille femme,<br /> Elle lui disait tout ce qu’elle avait sur le cœur. <br /> Et le lion semblait l’écouter attentivement. <br /> <br /> Or, une nuit, alors que ça faisait des mois que le lion et la vieille femme étaient amis,<br /> Une nuit, le lion a voulu savoir ce que la vieille femme pensait de lui. <br /> Alors, parce que c’était la nuit et que personne n’était dehors dans le village,<br /> Il s’est approché de la case de la vieille femme. <br /> Il y avait encore une lampe qui brûlait,<br /> Ce qui indiquait que les gens étaient éveillés.<br /> Il a approché son oreille de la porte<br /> Et il a écouté ce qu’on disait. <br /> <br /> Et justement, la vieille femme était en train de parler de lui. <br /> Elle disait que c’était le meilleur ami du monde,<br /> Elle disait à quel point le lion semblait l’écouter,<br /> A quel point il était doux comme un chat,<br /> A quel point il semblait sage. <br /> Mais elle a dit, il a un défaut qui gâche presque tout le reste,<br /> Vraiment un défaut insupportable,<br /> C’est que, voyez-vous mes enfants, il pue de la gueule !<br /> <br /> Le lion a été blessé en son cœur.<br /> Il a fui dans la forêt. <br /> <br /> Le lendemain matin, avant d’aller à son rendez-vous,<br /> Il est allé trouver un bûcheron qui bûcheronnait dans la forêt.<br /> Il l’a regardé de son œil de lion, il a ouvert ses babines et lui a dit : <br /> - Bûcheron, donne-moi ta hache, sinon je te mange !<br /> Le bûcheron, sans hésiter une seconde, a lâché sa hache<br /> Et il a couru, couru.<br /> Le lion a pris la hache dans sa gueule<br /> Et il est allé au rendez-vous. <br /> Il a regardé la vieille femme, il n’était plus tout à fait pareil.<br /> Elle a bien vu qu’il avait l’air plus féroce que les autres jours. <br /> <br /> Le lion lui a dit :<br /> - Oh ! vieille femme, tu vois cette hache, prends–la <br /> Et donne-moi un coup sur le front, là où j’ai une bosse rebondie frappe.<br /> <br /> Et la vieille a dit :<br /> - Mais non ! mais je ne veux pas frapper !<br /> Mais pourquoi est-ce que tu veux que je te frappe ?<br /> Mais tu es mon meilleur ami ! <br /> Pourquoi est-ce que je te frapperais ? <br /> Le lion l’a regardée d’un œil féroce, il a soulevé ses babines, <br /> Il a montré ses crocs saillants, il a ouvert sa gueule d’enfer. <br /> Ses yeux semblaient brûler de haine et il lui a dit : <br /> - Dépêche-toi de m’obéir, sinon je te mange !<br /> <br /> <br /> La vieille a eu peur.<br /> Sans plus hésiter, elle a pris la hache <br /> Et elle a frappé un grand coup, à l’endroit où, sur le front, <br /> Le lion avait une bosse bien rebondie.<br /> Et le sang a giclé.<br /> Et le lion s’est enfui dans la jungle. <br /> <br /> Pendant trois mois, la vielle femme n’a plus revu son ami le lion. <br /> Elle a pensé qu’il était peut-être mort. <br /> Mais, au bout de trois mois, alors qu’elle était, comme d’habitude, <br /> Penchée sur la rivière pour prendre son eau,<br /> Elle a vu le lion venir vers elle. <br /> Alors, elle a lâché sa calebasse et elle s’est exclamée :<br /> - Oh lion ! te voilà de retour !<br /> Oh, comme ça me fait plaisir !<br /> Oh, comme tu m’as manqué !<br /> Oh, quel bonheur de te retrouver !<br /> <br /> Le lion l’a regardée et il lui a dit :<br /> - Oui, je suis revenu.<br /> Regarde comment est mon front.<br /> Elle a regardé son front qui était tout à fait cicatrisé.<br /> Et elle lui a dit :<br /> - Oh ! mais on ne voit plus rien !<br /> C’est tout à fait bien !<br /> C’est comme si rien ne s’était passé, c’est tout à fait cicatrisé !<br /> Le lion l’a regardée et il lui a dit : <br /> - Oui, vieille femme, vois-tu, les blessures qu’on fait au corps,<br /> <br /> Elles cicatrisent toujours.<br /> Mais les blessures qu’on fait au cœur, elles saignent encore !<br /> (Conte africain)
L
Ah ! Ces deux là, ils sont à l’ouest (le soleil couchant) comme dit ma fille Elise. Mais bon ! On ne berce pas impunément les enfants aux rythmes de Pearl Buck ou de Vent d'est, vent d'ouest <br /> <br /> D’ailleurs une autre de mes grands mères à l'accent british nous affirmait que le jour ou le (H) final de Earth (Terre) fera une boucle pour venir se placer, en début de Heart (Cœur) nous redécouvrirons la Paix.<br /> <br /> Si vous voulez encore entendre de parler Pu Yi Cliquez
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E
Merci !
U
Ce commentaire n’est pas une justification mais plutôt un ressenti Danièle<br /> <br /> Je pense sincèrement que si les quelques êtres humains qui s’obstinent à rester en dehors de l’échange et du partage ne sont ni à fuir ni à refouler dans je ne sais dans quels Limbes bien au contraire. Ils sont les Enfants de la peine, de la douleur, déchirés entre la peur du manque et l’avidité du pouvoir…Ils sont frères des figures des ténèbres certes ! mais sont nos frères tout de même.<br /> <br /> En cela Shéhérazade nous lègue encore la possibilité de l’harmonie des contraires. <br /> <br /> En chine le taoïsme le confucianisme et bouddhisme s’accordent pour reconnaître que tout homme est perfectible, donc apte à s’incorporer dans l’échange et partage, pour peu qu’il face sincèrement confiance à sa mémoire, d’où peu être le concept moderne de rééducation par l’écriture.<br /> <br /> Faisons un petit geste en vers le jeune Pu Yi ou Une feuille ballottee par les vents de l'histoire
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D
Cliquez !
L
Il me semble que le mythe grec du Déluge peut nous permettre de répondre à la question posée. Il faut jeter derrière soi les os de la grand-mère pour que la terre puisse renaître avec la dynamique du partage. La dynamique du partage c'est le mouvement même de la création. Il faut aller puiser dans la mémoire pour se repositionner dans l'élan même de la création.<br /> <br /> Le déluge<br /> <br /> &quot;Il vint un jour aux oreilles de Zeus que les hommes étaient devenus tout à fait corrompus et commettaient beaucoup de crimes. Aussi pensa-t-il qu’il devait descendre sur la terre : il voulait voir de ses propres yeux si réellement les hommes volaient, tuaient, se moquaient des dieux et disaient des mensonges au lieu de la vérité. Il vit avec peine et irritation que les hommes étaient encore pires que dans les récits qu’on lui avait faits. Un individu volait un autre en lui mentant, les hôtes attaquaient et massacraient leurs invités endormis, les enfants impatients d’hériter attendaient la mort de leurs parents, les femmes donnaient du poison à leurs maris et les frères s’entre-tuaient. Zeus se sentit soulagé lorsqu’il atteignit des régions rocailleuses où il n’y avait aucun signe de vie : pas d’hommes, pas de villes ni de villages.<br /> <br /> Une nuit, il parvint au palais d’un roi arcadien nommé Lycaon. Le peuple, s’étant rendu compte de la présence d’un dieu, se mit à prier. Mais le roi Lycaon se moqua de son peuple : « Nous verrons bien, pensa-t-il, si ce passant est un dieu : je vais l’éprouver ». Et, comme il avait au palais des otages de la race des Molosses, il en tua un et le fit cuire. Il allait offrir un festin au voyageur, et lorsque celui-ci se serait gavé de la chair humaine et aurait sombré dans le sommeil, il le tuerait aussi. Les serviteurs déposèrent des plats fumants devant Zeus qui, comprenant l’atrocité du festin qu’on avait préparé pour lui, se mit dans une violente colère. Il envoya sa foudre sur le palais de Lycaon et un vacarme assourdissant se répandit dans tout le royaume. Des flammes s’élevèrent de toutes parts et brûlèrent avec avidité tout ce que le roi possédait. Saisi d’une terreur mortelle, Lycaon, lui-même, s’échappa du palais et s’enfuit loin de la colère de Zeus. Il ouvrait la bouche, mais l’horreur l’avait rendu muet et, quand enfin il retrouva la voix, il ne put qu’hurler. Il tomba à genoux et sentit ses membres et son corps se couvrir de poils et sa tête s’allonger. Il était transformé en loup, toujours assoiffé de sang. Depuis ce jour, il décima les troupeaux paissant dans les prairies ; ses yeux étincelaient avec autant de férocité que lorsqu’il était encore un homme. <br /> <br /> Zeus retourna dans les cieux et convoqua les dieux à un conseil. Tous se pressèrent de rejoindre, par la Voie Lactée, le palais de marbre où Zeus trônait, préoccupé et furieux. Dès qu’ils furent rassemblés, la voix du dieu suprême tonna, décrivant les horreurs de la terre. « J’ai déjà foudroyé un palais, dit-il, mais tous les mortels sans exception doivent être punis. Je voudrais brûler toute la terre par la foudre, mais je crains qu’un tel incendie atteigne les cieux. Nous connaissons tous la prophétie selon laquelle le monde entier périra par les flammes. C’est pourquoi j’ai choisi le déluge pour laver la surface de la terre des démons et de l’indigne race humaine qui l’habite. »<br /> <br /> Alors Zeus enferma dans une caverne le vent du Nord, ainsi que les rafales qui dispersent les nuages, et libéra le vent du Sud. Celui-ci déploya ses ailes ruisselantes et s’élança, un épais brouillard au front, sa barbe grise dégoulinante de pluie. De sa main droite il pressait et tordait des nuages noirs, exprimant des torrents d’eau. Poséidon, dieu des flots, aidait son frère Zeus dans sa tâche : il appela les dieux de toutes les rivières et de tous les fleuves et leur ordonna de laisser les cours d’eau sortir de leurs lits, briser les digues et inonder les habitations. Les eaux envahirent les villages et les villes, recouvrant les champs, les buissons et les arbres. Bientôt le niveau atteignit les toits et même le sommet des tours. Les gens essayaient de se sauver en nageant mais la pluie les assommait. Quelques-uns parvinrent à gagner le sommet des montagnes, mais bientôt l’eau les submergea, entraînant leurs corps dans les profondeurs infinies de la mer nouvelle. Ceux qui montèrent dans des barques et dans des bateaux pour essayer de sauver leur vie firent naufrage sur les anciennes montagnes transformées en récifs. Des poissons étranges nageaient dans les profondeurs – au sommet des arbres -, passaient çà et là à travers les maisons et les temples dont les fenêtres et les portes avaient été arrachées par la tempête. Les cerfs, les loups et les sangliers luttaient en vain contre les vagues et les forêts étaient peuplées de dauphins. La terre devint une mer immense. Même les oiseaux, épuisés par leur vol, finissaient par tomber dans l’eau, faute de pouvoir se percher. Celui qui ne fut pas englouti par les vagues mourut de faim. <br /> <br /> Dans le pays de Phocide, le Mont Parnasse s’élevait encore au-dessus de l’eau. Un petit bateau, dans lequel s’étaient réfugiés Deucalion, fils de Prométhée, et Pyrrha, sa femme, s’avançait dans sa direction. Prométhée les avait prévenus à temps et leur avait donné une solide embarcation. Lorsque Zeus vit que les seuls rescapés étaient Deucalion et Pyrrha, tous deux honnêtes, justes et pieux, il dispersa les nuages, montrant les cieux à la terre et la terre au ciel. De même, Poséidon posa son trident qui avait soulevé la mer, appela son fils Triton et lui demanda de souffler dans sa conque. Triton sut souffler avec une telle force que le bruit emplit toute l’atmosphère. Il souffla et les eaux se mirent à refluer, les rivières retournèrent dans leurs lits et la mer revint à ses anciens rivages. Deucalion et Pyrrha arrivèrent au Mont Parnasse, se mirent à genoux et remercièrent les dieux de les avoir laissés en vie. Puis ils regardèrent autour d’eux et ne virent qu’un désert. Les forêts retenaient encore dans les branches des arbres quelques parcelles de terre ; tout était silencieux et privé de vie. Deucalion soupira doucement : « Chère Pyrrha, dit-il, nous sommes les seuls survivants ; qu’allons-nous faire ? Si seulement je pouvais, comme mon père, créer un homme avec l’argile ! » <br /> <br /> Les yeux pleins de larmes, Deucalion et Pyrrha se mirent à prier sur les marches pleines de mousse du temple de Zeus. Ils l’implorèrent de les aider à rendre la vie à la terre et le maître des dieux, ému, leur donna ce conseil : « Quittez ce temple, voilez vos têtes et jetez, derrière vous, les ossements de votre grand-mère ». Perdus dans leurs pensées, ils quittèrent le temple sans parvenir à comprendre pourquoi ils devaient ainsi troubler la paix de leurs ancêtres. Ils réfléchirent longtemps quand soudain Deucalion comprit que la grand-mère dont parlait le dieu était la Terre. « La Terre est notre grand-mère à tous, dit Deucalion, et ses ossements ne peuvent être que les pierres. » Il doutait que des cailloux puissent faire revenir la vie sur terre. Pourtant, aidé de Pyrrha, il en ramassa et les jeta par-dessus son épaule. C’est alors que le miracle se produisit : à peine touchaient-elles la terre que les pierres perdaient leur dureté et qu’elles se transformaient en corps humains. La partie la plus dure devenait les os, quant aux veines de la pierre, elles sont à l’origine des veines du corps humain. Les pierres que Deucalion jetait se transformaient en hommes, celles que jetait Pyrrha se transformaient en femmes. C’est ainsi que vint au monde une nouvelle race d’hommes, actifs et résistants au travail et à la souffrance, race issue de la pierre dure comme elle.&quot; (Mythes et légendes de la Grèce antique, éd. Gründ, Prague 1991)
D
Je viens de faire un étonnant voyage en Chine que je connais depuis 1975 ; il y a bientôt quarante ans, j'ai parcouru les allées de la cité interdite. Mais je n'avais jamais entendu parler de Pu Yi. C'est vrai notre mémoire est défaillante et pourtant elle est essentielle. Ce que tu dis Danièle m'intéresse : il faut une rééducation par l'écriture pour retrouver la mémoire car sans la mémoire le partage risque d'être illusoire. La mémoire serait-elle la matrice du partage ? Peut-être...
N
Don de l'histoire ou Parabole de la vraie science de la vie <br /> <br /> «Prends garde de perdre le bout du fil de la Sagesse. Car les guides eux-mêmes ont le vertige.» Omar Khayyam<br /> <br /> Lorsque fut la sept cent soixante-quatorzième nuit, Shéhérazade dit :<br /> On raconte que dans une ville d'entre les villes, où l'on enseignait toutes les sciences, vivait un jeune homme beau et studieux. Bien que rien ne lui manquât, il était possédé du désir de toujours apprendre d'avantage. Il lui fut un jour révélé, grâce au récit d'un marchand voyageur, qu'il existait dans un pays fort éloigné, un savant qui était l'homme le plus saint de l'Islam et qui possédait à lui seul autant de science, de sagesse et de vertu, que tous les savants du siècle réunis. Malgré sa renommée, ce savant exerçait le simple métier de forgeron, comme son père avant lui et son grand-père avant son père.<br /> Ayant entendu ces paroles, le jeune homme rentra chez lui, prit ses sandales, sa besace et son bâton, et quitta la ville et ses amis sur le champ. Il marcha pendant quarante jours et quarante nuits. Enfin il arriva dans la ville du forgeron. Il alla directement au souk et se présenta à celui dont tous les passants lui avaient indiqué la boutique. Il baisa le pan de la robe du forgeron et se tint devant lui avec déférence. Le forgeron qui était un homme d'âge au visage marqué par la bénédiction lui demanda :<br /> _ Que désires-tu, mon fils ?<br /> _ Apprendre la science. répondit le jeune homme.<br /> Pour toute réponse le forgeron lui mit dans les mains la corde du soufflet de la forge et lui dit de tirer. Le nouveau disciple répondit par l'obéissance et se mit aussitôt à tirer et à relâcher la corde sans discontinuer, depuis le moment de son arrivée jusqu'au coucher du soleil. Le lendemain il s'acquitta du même travail, ainsi que les jours suivants, pendant des semaines, pendant des mois et ainsi toute une année, sans que personne dans la forge, ni le maître, ni les nombreux disciples qui avaient chacun un travail tout aussi rigoureux, ne lui adressât une seule fois la parole, sans que personne ne se plaignît ou seulement murmurât.<br /> Cinq années passèrent de la sorte. Le disciple, un jour, se hasarda timidement à ouvrir la bouche :<br /> _ Maître...<br /> Le forgeron s'arrêta dans son travail. Tous les disciples, à la limite de l'anxiété, firent de même. Dans le silence il se tourna vers le jeune homme et demanda :<br /> _ Que veux-tu ?<br /> _ La science !<br /> Le forgeron dit :<br /> _ Tire la corde !<br /> Sans un mot de plus tout le monde reprit le travail. Cinq autres années s'écoulèrent durant lesquelles, du matin au soir, sans répit, le disciple tira la corde du soufflet, sans que personne ne lui adressât la parole. Mais si quelqu'un avait besoin d'être éclairé sur une question de n'importe quel domaine, il lui était loisible d'écrire la demande et de la présenter au Maître le matin en entrant dans la forge. Le Maître ne lisait jamais l'écrit. S'il jetait le papier au feu, c'est sans doute que la demande ne valait pas la réponse. S'il plaçait le papier dans son turban, le disciple qui l'avait présenté trouvait le soir la réponse du Maître écrite en caractères d'or sur le mur de sa cellule.<br /> Lorsque dix années furent écoulées, le forgeron s'approcha du jeune homme et lui toucha l'épaule. Le jeune homme, pour la première fois depuis des années, lâcha la corde du soufflet de forge. Une grande joie descendit en lui. Le Maître dit :<br /> _ Mon fils, tu peux retourner vers ton pays et ta demeure, avec toute la science du monde et de la vie dans ton cœur. Car tout cela tu l'a acquis en acquérant la vertu de la patience !<br /> Et il lui donna le baiser de paix. Le disciple s'en retourna illuminé dans son pays, au milieu de ses amis. Et il vit clair dans la vie.<br /> <br /> Histoire et parabole collectées par Danièle<br /> <br /> Cliquez sur Nikolai Rimsky-Korsakov pour entendre encore Shéhérazade
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E
Je connais bien ce conte mais je ne savais pas qu'il était dans Les Mille et Une Nuits. En fait, j'essaie voir le lien entre ce conte et le thème du partage, qui fait l'objet de nos échanges en ce moment...
L
&quot;En recherchant le bien à faire à nos semblables, nous rencontrons le nôtre.&quot; PLATON<br /> <br /> Un pauvre homme vivait en mendiant et un jour il voit un roi passer près de lui, entouré d'une très riche cour.<br /> &quot;C'est ma chance&quot; se dit-il &quot;le roi va être généreux. Les rois sont toujours généreux avec les pauvres.&quot; Il s'approche du cortège royal et demande l'aumône au roi.<br /> Celui-ci le regarde et lui demande :<br /> &quot;Et toi, que vas-tu me donner?&quot;<br /> Bien déçu, le pauvre homme sort de sa besace un paquet de riz, choisit un grain et le tend au roi.<br /> Et le roi s'en va.<br /> Le soir, l'homme ouvre son paquet de riz et qu'elle n'est pas sa surprise lorsqu'il découvre qu'il a maintenant un grain de riz… en or.<br /> &quot;Que n'ai-je pas été plus généreux! Pourquoi ne lui ai-je pas donné tout mon riz!&quot;<br /> <br /> <br /> <br /> Mais comment expliquer cela à aux enfants qui espèrent un jour être Roi !<br /> <br /> Clique sur Lire &amp; RéCréer
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J
&quot;Le partage est la réalité la plus simple et la plus fondamentale qui soit dans la vie sociale. Il est sous-jacent à tout, même à l'échange des dons. L'échange n'est qu'un modèle du partage, même s'il en est le modèle le plus satisfaisant. Le seul contraire absolu du partage est d'avoir tout pour soi tout seul et par soi tout seul, avec la volonté de tout garder. Le repas est l'institution du partage, ce par quoi il devient l'institution de la loi du don. Il suffit donc de l'analyse de l'acte de manger ensemble pour prouver que la réalité du groupe consiste dans le partage. A cet égard, la communauté de vie est l'aboutissement logique du désir de vivre en groupe, dans la mesure où elle est la promesse du partage intégral (page 127).&quot; Appuyer sur Jean-Claude Sagne, pour avoir la référence de son livre.
E
Merci pour ce pèlerinage à travers les contes et les mythes locaux avec un guide chaleureux et plein d'expérience... Et maintenant je peux vous amener en forêt de Brocéliande pour écouter un peu de musique.
J
j'ai dit ce conte, parmi d'autres, hier soir !
D
Je viens de cliquer sur Lire et Recréer et j'ai passé un moment extraordinaire. En échange, je peux livrer au lecteur le texte sur le roi et le grain d'or. Insistez, demandez-le-moi et il apparaîtra...
N
La disgrâce projetée [ de et de] ou Jiango Renard, le banjoïste<br /> <br /> Jean Reinhardt plus connu sous le nom de Django Reinhardt naît dans une roulotte le 23 janvier 1910. L’enfant fait partie d’une famille de Sinti [les Sinti, ou Cinti, est un groupe ethnique nomadisant à l'instar des Tziganes dont ils partagent l'origine indienne].<br /> <br /> Personne ne sait d'où lui vient son prénom Django qui signifie « je réveille ». Il apprend la musique avec le violon. La rencontre avec le banjo de son oncle à l’âge de dix ans est décisive. Fasciné par l’instrument, le jeune Django fait son apprentissage en observant avec attention les musiciens de passage au campement, et acquiert bientôt une dextérité hors du commun. Il se mettra, avec le même bonheur, au violon et finalement à la guitare. Vers l’âge de douze ou treize ans, il joue du banjo-guitare dans les cours d'immeuble, dans la rue puis dans les cabarets et bals de Paris, ainsi que dans les demeures des gens aisés, tout en continuant de jouer surtout pour son propre plaisir. L’adolescent ne sachant ni lire ni écrire, même pas son propre nom, les étiquettes portent la mention [Jiango Renard, banjoïste] …<br /> <br /> Les nuages ne disparaissent pas, ils se transforment en pluie nous dit Bouddha<br /> <br /> Cliquez donc sur Nuages messieurs et mesdames les riches propriétaires t’es rien. Vous m’en direz des nouvelles.
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U
Il faut accepter d'être mendiant pour exercer le pouvoir en le partageant. Appuyer sur le titre.
E
Toujours dans le style jazz manouche.<br /> <br /> Django, retrouve son ami Grappelli en 1946, ils jouent et enregistrent spontanément La Marseillaise rebaptisée Echoes of France pour cause d'enregistrement en Angleterre. Cet enregistrement fera scandale, et la matrice sera d'ailleurs détruite. Pas pour tout le monde. Mais bon ! Admiration respectueuse au couple Grappelli- Reinhardt <br /> <br /> Cliquez sur Echoes of France
L
Les Roms mettent à l’épreuve notre sens du partage depuis des centaines d’années. Récemment encore les déclarations de Messieurs Le Pen et Estrosi mettent de l’huile sur le feu. Et si les Roms étaient là pour nous rappeler, à temps et à contre temps, que le partage est la loi de la vie ! Peut-être est-il utile, pour s’en convaincre de revenir à l’histoire en cliquant sur le titre.
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P
Dans le style du blog d'Éric Rommeluère &quot;J'ai deux kôans à vous dire&quot; <br /> Moi Daniéle l’occidentale bien consciente d’avoir un corps une âme et un esprit. Je suis agréablement surprise de la pensée bouddhiste où corps, parole et esprit forment une sorte de trinité co-égale.<br /> Parole juste, Parole parfaite, mais paroles qui peuvent être gelées comme la jeune fille du conte qui ne parle pas.<br /> <br /> Dans le cadre échange et partage. <br /> <br /> Voici comment, parmi des paroles gelées, Pantagruel trouva les mots de la parole juste.<br /> <br /> Le pilote répondit: « Seigneur, ne vous effrayez de rien. On est ici aux confins de la mer de Glace, où au début de l'hiver dernier, eut lieu une grande et cruelle bataille entre les Arismaspiens et les Néphélibates. Alors gelèrent dans l’air les paroles et les cris des, hommes et des femmes, les chocs des masses d'armes, les heurts des armures, des caparaçons, les hennissements des chevaux et tout autre vacarme de combat.<br /> Maintenant, la rigueur de l'hiver étant passée, le beau temps doux et serein étant arrivé, elles fondent et on les entend.<br /> - Par Dieu, dit Panurge, je l'en crois. Mais pourrions -nous en voir quelqu'une'? Il me souvient d'avoir lu qu'au pied de la montagne où Moïse reçut la loi des Juifs, le peuple percevait les voix par la vue.<br /> - Tenez, tenez, dit Pantagruel, voyez-en ici qui ne sont pas encore dégelées. »<br /> Alors, il nous jeta sur le tillac de pleines poignées de paroles gelées, et elles ressemblaient à des dragées perlées de diverses couleurs. Nous y vîmes des mots de gueule, des mots de sinople, des mots d'azur, des mots de sable, des mots dorés. Après avoir été échauffés entre nos mains, ils fondaient comme neige, et nous les entendions réellement, mais nous ne les comprenions pas car c'était un langage barbare. <br /> Un seul fit exception, assez gros, qui, Frère Jean l'ayant échauffé entre ses mains, produisit un son semblable à celui que font les châtaignes jetées dans la braise sans être entamées, lorsqu'elles éclatent, et nous fit tous tressaillir de peur.<br /> « C'était, dit Frère Jean, un coup de fauconneau, en son temps. » Panurge demanda à Pantagruel de lui en donner encore. Pantagruel lui répondit que donner sa parole était acte d'amoureux.<br /> « Vendez-m'en donc, disait Panurge.<br /> - Vendre des paroles, c'est ce que font les avocats, répondit Pantagruel. Je vous vendrais plutôt du silence, et plus cher, comme en vendit un jour Démosthène, contre des deniers qui le rendirent aphone. <br /> Néanmoins, il en jeta trois ou quatre poignées sur le tillac. Et j'y vis des paroles bien piquantes, des paroles sanglantes (le pilote nous disait qu'elles retournaient parfois au lieu d'où elles avaient été proférées, mais c'était à se couper la gorge), des paroles horrifiques et d'autres assez désagréables à voir. Lorsque elles eurent fondu toutes ensemble, nous entendîmes hin, hin, hin, hin, his, tic, torche, lorgne, brededin, brededac, frr, frrr, frrr, bou, bou, bou, bon, bon, bou, bou, bou, bou, traccc, trac, trr, trr, trr, trrr, trrrrrr, on, on, on, on, ououououon, goth, magoth, et je ne sais quels autres mots barbares; et il disait que c'était ce qu'on perçoit de la charge et du hennissement des chevaux au moment du corps-à-corps. Puis nous en entendîmes d'autres grosses qui, en dégelant, rendaient des sons, les unes de tambours et de fifres, les autres de clairons et de trompettes. Croyez que ce fut pour nous un bon passe-temps. Je voulais mettre en conserve dans l'huile quelques mots de gueule, tout comme on conserve de la neige et de la glace dans la paille bien nette. Mais Pantagruel refusa, disant que c'était folie de mettre en conserve ce qui ne manque jamais et que l'on a toujours sous la main, comme c'est le cas pour les mots de gueule parmi les bons et joyeux Pantagruélistes.<br /> Alors Panurge irrita quelque peu Frère Jean et le fit mettre hors de lui, car il vous le prit au mot à un instant où il ne s'y attendait pas, et Frère Jean le menaça de le faire s'en repentir tout comme G. Jousseaulme que maître Pathelin prit au mot quand il lui acheta le drap, et, au cas où il serait marié, de le prendre aux cornes comme un veau, puisqu'il l'avait pris au mot comme un être humain.<br /> Panurge lui lit la moue de la sorcière en signe de dérision. Puis il s'écria : « Plût à Dieu qu'ici, sans aller plus avant, j'eusse le mot de la Dive Bouteille ! »<br /> <br /> Pour en savoir plus appuyez sur Paroles gelées
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V
Ecoute les choses plutôt que les êtres. Le souffle n'est pas parti. Le printemps revient. Clique sur le titre !
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« Souffles »<br /> <br /> Ecoute plus souvent<br /> Les choses que les êtres,<br /> La voix du feu s'entend,<br /> Entends la voix de l'eau.<br /> Ecoute dans le vent<br /> Le buisson en sanglot:<br /> C'est le souffle des ancêtres.<br /> Ceux qui sont morts ne sont jamais partis<br /> Ils sont dans l'ombre qui s'éclaire<br /> Et dans l'ombre qui s'épaissit,<br /> Les morts ne sont pas sous la terre<br /> Ils sont dans l'arbre qui frémit,<br /> Ils sont dans le bois qui gémit,<br /> Ils sont dans l'eau qui coule,<br /> Ils sont dans la case, ils sont dans la foule<br /> Les morts ne sont pas morts.<br /> Ecoute plus souvent<br /> Les choses que les êtres,<br /> La voix du feu s'entend,<br /> Entends la voix de l'eau.<br /> Ecoute dans le vent<br /> Le buisson en sanglot:<br /> C'est le souffle des ancêtres.<br /> Le souffle des ancêtres morts<br /> Qui ne sont pas partis,<br /> Qui ne sont pas sous terre,<br /> Qui ne sont pas morts.<br /> Ceux qui sont morts ne sont jamais partis,<br /> Ils sont dans le sein de la femme,<br /> Ils sont dans l'enfant qui vagit,<br /> Et dans le tison qui s'enflamme.<br /> Les morts ne sont pas sous la terre,<br /> Ils sont dans le feu qui s'éteint,<br /> Ils sont dans le rocher qui geint,<br /> Ils sont dans les herbes qui pleurent,<br /> Ils sont dans la forêt, ils sont dans la demeure,<br /> Les morts ne sont pas morts.<br /> Ecoute plus souvent<br /> Les choses que les êtres,<br /> La voix du feu s'entend,<br /> Entends la voix de l'eau.<br /> Ecoute dans le vent<br /> Le buisson en sanglot:<br /> C'est le souffle des ancêtres.<br /> Il redit chaque jour le pacte,<br /> Le grand pacte qui lie,<br /> Qui lie à la loi notre sort;<br /> Aux actes des souffles plus forts<br /> Le sort de nos morts qui ne sont pas morts;<br /> Le lourd pacte qui nous lie à la vie,<br /> La lourde loi qui nous lie aux actes<br /> Des souffles qui se meurent.<br /> Dans le lit et sur les rives du fleuve,<br /> Des souffles qui se meuvent<br /> Dans le rocher qui geint et dans l'herbe qui pleure.<br /> Des souffles qui demeurent<br /> Dans l'ombre qui s'éclaire ou s'épaissit,<br /> Dans l'arbre qui frémit, dans le bois qui gémit,<br /> Et dans l'eau qui coule et dans l'eau qui dort,<br /> Des souffles plus forts, qui ont prise<br /> Le souffle des morts qui ne sont pas morts,<br /> Des morts qui ne sont pas partis,<br /> Des morts qui ne sont plus sous terre.<br /> Ecoute plus souvent<br /> Les choses que les êtres... Birago DIOP<br /> <br /> <br /> <br /> Extrait du recueil &quot;Leurres et Lueurs&quot;, éd Présence Africaine, 1960<br /> <br /> Cliquez sur le titre pour découvrir le cheminement entre &quot;Leurres et Lueurs&quot;.
A
Le blog s'essoufle...
P
Il y a encore beaucoup à progresser dans le partage des tâches ménagères entre hommes et femmes. Cliquez sur le titre !
P
Le partage s'introduit à l'intérieur du cerveau. On constate une latéralisation des fonctions cérébrales. Il existe une dominance de l'hémisphère gauche pour le langage et une dominance de l'hémisphère droit pour les fonctions vidéo-spatiales, qui permettent le repérage dans l'espace.<br /> Cliquez sur le titre.
L
Cliquez et écoutez !
E
Gérard, je compatis avec toi et ta famille ; je sais que tu étais très lié à ce frère et que tu souffrais de le voir ainsi accablé par la maladie d’Alzheimer. Je me souviens, l’an dernier, lorsque je suis allé à Lesches, c’est une des premières choses que tu m’as dites dans la voiture, en revenant de la gare pour aller dans ta maison. C’est dur de voir souffrir quelqu’un que l’on aime. Mais le partage en est alors que plus intense, au-delà même des mots. Personnellement, en de telles circonstances, je ne vois pas bien ce que veulent dire les mots de justice et d’injustice : la vie a des cheminements que nous ne voyons pas en deçà même de toute responsabilité personnelle. Il y va de notre finitude comme tu le dis, finitude parfois tragique. Mais peut-être que Pierre, comme un guide de haute montagne, a ouvert une voie pour tout le monde, une voie vers la mort, et pourquoi pas une voie qui traverse la mort pour un plus d’espérance, reliant la terre et le ciel ? <br /> En cliquant sur mon nom, vous aurez droit à une partie du magnificat de Bach.
G
Je n'avais guère le temps, ces jours-ci, de méditer et d'écrire sur le partage. Pourtant ce que je vivais me mettait dans le sujet. Mon frère Pierre, mon aîné de 13 ans, mon voisin de Guilers et du Diois, mon compagnon de marche et de chantier, nous a quittés vendredi dernier, après quatre semaines d'hospitalisation, et au terme d'un Alzheimer qui s'est brutalement accéléré. Je ne vais pas faire de littérature là-dessus. Mais ce que nous avons, en famille, partagé était assez intense, bien que sans beaucoup de mots. Chacun est renvoyé avec ses propres itinéraires et ses propres questions, à quelques interrogations fondamentales : pourquoi cette saleté frappe-t-elle ce frère que tous aimaient si fortement ? On a le sentiment très partagé d'une injustice incompréhensible. Et comment va-t-on survivre à cela ? Et, entre-temps, l'incompréhension au sens fort : ce frère encore vivant, que vit-il ? Et nous qui le voyons avec la terreur, mais aussi la certitude, au fond, qu'il va mourir, que pouvions nous ?L'évidence surgit, que le partage de la vie et des bonheurs que nous avons eus ensemble est brutalement interrompu. Injustement. Et d'une manière irréversible. La finitude et l'historicité (toujours Jolif !) ne sont pas seulement des notions philosophiques intéressantes. Ce qu'il y a à partager, maintenant, c'est la suite, qu'il faut construire, reconstruire pour une part. Et bien évidemment, la seule survie possible est dans le partage des questions, des doutes, des espoirs aussi, d'écoute mutuelle, de confiance, -autant que nous le permettent nos vies séparées. Et nos pauvres mots. Gérard
E
Nous retrouvons ici, dans l’aire culturelle européenne, un conte très proche du conte chinois sur échange et partage. Chacun, à leur manière, les deux contes nous expliquent que les maux du monde viennent de la toute-puissance qui contrarie le partage en empêchant de faire sa place à l’autre. D’un côté, ce sont les grands propriétaires qui exploitent les paysans à leur service, de l’autre c’est le roi qui n’hésite pas à tuer ceux qui prétendent partager son pouvoir. Il semble donc que nous soyons en face d’une structure transculturelle, ce qui donne à l’un et l’autre conte une portée universelle.
L
LES TROIS CHEVEUX D’OR DU DIABLE<br /> Un conte de fées des frères Grimm Grimm<br /> <br /> Il était une fois une pauvre femme qui mit au inonde un fils, et comme il était coiffé quand il naquit, on lui prédit que, dans sa quatorzième année, il épouserait la fille du roi.<br /> Sur ces entrefaites, le roi passa par le village, sans que personne le reconnût; et comme il demandait ce qu'il y avait de nouveau, on lui répondit qu'il venait de naître un enfant coiffé, que tout ce qu'il entreprendrait lui réussirait, et qu'on lui avait prédit que, lorsqu'il aurait quatorze ans, il épouserait la fille du roi.<br /> Le roi avait un mauvais cœur, et cette prédiction le fâcha. Il alla trouver les parents du nouveau-né, et leur dit d'un air tout amical: &quot; Vous êtes de pauvres gens, donnez-moi votre enfant, j'en aurai bien soin. &quot; Ils refusèrent d'abord; mais l'étranger leur offrit de l'or, et ils se dirent: &quot; Puisque l'enfant est né coiffé, ce qui arrive est pour son bien. &quot; Ils finirent par consentir et par livrer leur fils.<br /> Le roi le mit dans une boite, et chevaucha avec ce fardeau jusqu'au bord d'une rivière profonde où il le jeta, en pensant qu'il délivrait sa fille d'un galant sur lequel elle ne comptait guère. Mais la botte, loin de couler à fond, se mit à flotter comme un petit batelet, sans qu'il entrât dedans une seule goutte d'eau; elle alla ainsi à la dérive jusqu'à deux lieues de la capitale, et s'arrêta contre l'écluse d'un moulin. Un garçon meunier qui se trouvait là par bonheur l'aperçut et l'attira avec un croc; il s'attendait, en l'ouvrant, à y trouver de grands trésors: mais c'était un joli petit garçon, frais et éveillé. Il le porta au moulin; le meunier et sa femme, qui n'avaient pas d'enfants, reçurent celui-là comme si Dieu le leur eût envoyé. Ils traitèrent de leur mieux le petit orphelin, qui grandit chez eux en forces et en bonnes qualités.<br /> Un jour, le roi, surpris par la pluie, entra dans le moulin et demanda au meunier si ce grand jeune homme était son fils. &quot; Non, sire, répondit-il: c'est un enfant trouvé qui est venu dans une boîte échouer contre notre écluse, il y a quatorze ans; notre garçon meunier l'a tiré de l'eau. &quot;<br /> Le roi reconnut alors que c'était l'enfant né coiffé qu'il avait jeté à la rivière. &quot; Bonnes gens, dit-il, ce jeune homme ne pourrait-il pas porter une lettre de ma part à la reine? Je lui donnerais deux pièces d'or pour sa peine.<br /> - Comme Votre Majesté l'ordonnera, &quot; répondirent-ils; et ils dirent au jeune homme de se tenir prêt. Le roi écrivit à la reine une lettre où il lui mandait de se saisir du messager, de le mettre à mort et de l'enterrer, de façon à ce qu'il trouvât la chose faite à son retour.<br /> Le garçon se mit en route avec la lettre, mais il s'égara et arriva le soir dans une grande forêt. Au milieu des ténèbres, il aperçut de loin une faible lumière, et, se dirigeant de ce côté, il atteignit une petite maisonnette où il trouva une vieille femme assise près du feu. Elle parut toute surprise de voir le jeune homme et lui dit: &quot; D'où viens-tu et que veux-tu?<br /> - Je viens du moulin, répondit-il; je porte une lettre à la reine; j'ai perdu mon chemin, et je voudrais bien passer la nuit ici.<br /> - Malheureux enfant, répliqua la femme, tu es tombé dans une maison de voleurs, et, s'ils te trouvent ici, c'est fait de toi.<br /> - A la grâce de Dieu! dit le jeune homme, je n'ai pas peur; et, d'ailleurs, je suis si fatigué qu'il m'est impossible d'aller plus loin. &quot;<br /> Il se coucha sur un banc et s'endormit. Les voleurs rentrèrent bientôt après, et ils demandèrent avec colère pourquoi cet étranger était là. &quot; Ah! dit la vieille, c'est un pauvre enfant qui s'est égaré dans le bois; je l'ai reçu par compassion. Il porte une lettre à la reine. &quot;<br /> Les voleurs prirent la lettre pour la lire, et virent qu'elle enjoignait de mettre à mort le messager. Malgré la dureté de leur cœur, ils eurent pitié du pauvre diable; leur capitaine déchira la lettre, et en mit une autre à la place qui enjoignait qu'aussitôt que le jeune homme arriverait, on lui fit immédiatement épouser la fille du roi. Puis les voleurs le laissèrent dormir sur son banc jusqu'au matin, et, quand il fut éveillé, ils lui remirent la lettre et lui montrèrent son chemin.<br /> La reine, ayant reçu la lettre, exécuta ce qu'elle contenait: on fit des noces splendides; la fille du roi épousa l'enfant né coiffé, et, comme il était beau et aimable, elle fut enchantée de vivre avec lui.<br /> Quelque temps après, le roi revint dans son palais; et trouva que la prédiction était accomplie et que l'enfant né coiffé avait épousé sa fille. &quot; Comment cela s'est-il fait? dit-il; j'avais donné dans ma lettre un ordre tout différent. &quot; La reine lui montra la lettre , et lui dit qu'il pouvait voir ce qu'elle contenait. Il la lut et vit bien qu'on avait changé la sienne.<br /> Il demanda au jeune homme ce qu'était devenue la lettre qu'il lui avait confiée, et pourquoi il en avait remis une autre. &quot; Je n'en sais rien, répliqua celui-ci; il faut qu'on l'ait changée la nuit, quand j'ai couché dans la forêt. &quot;<br /> Le roi en colère lui dit: &quot; Cela ne se passera pas ainsi. Celui qui prétend à ma fille doit me rapporter de l'enfer trois cheveux d'or de la tête du diable. Rapporte-les-moi, et ma fille t'appartiendra. &quot; Le roi espérait bien qu'il ne reviendrait jamais d'une pareille commission.<br /> Le jeune homme répondit: &quot; Le diable ne me fait pas peur; j'irai chercher les trois cheveux d'or. &quot; Et il prit congé du roi et se mit en route.<br /> Il arriva devant une grande ville. A la porte, la sentinelle lui demanda quel était son état et ce qu'il savait:<br /> &quot; Tout, répondit-il.<br /> - Alors, dit la sentinelle, rends-nous le service de nous apprendre pourquoi la fontaine de notre marché, qui nous donnait toujours du vin, s'est desséchée et ne fournit même plus d'eau.<br /> - Attendez, répondit-il, je vous le dirai à mon retour. &quot;<br /> Plus loin, il arriva devant une autre ville. La sentinelle de la porte lui demanda son état et ce qu'il savait.<br /> &quot; Tout, répondit-il.<br /> - Rends-nous alors le service de nous apprendre pourquoi le grand arbre de notre ville, qui nous rapportait des pommes d'or, n'a plus même de feuilles.<br /> - Attendez, répondit-il, je vous le dirai à mon retour. &quot;<br /> Plus loin encore il arriva devant une grande rivière qu'il s'agissait de passer. Le passager lui demanda son état et ce qu'il savait. , Tout, répondit-il.<br /> - Alors, dit le passager, rends-moi le service de m'apprendre si je dois toujours rester à ce poste, sans jamais être relevé.<br /> - Attends, répondit-il, je te le dirai à mon retour. &quot;<br /> De l'autre côté de l'eau, il trouva la bouche de l'enfer. Elle était noire et enfumée. Le diable n'était pas chez lui; il n'y avait que son hôtesse, assise dans un large fauteuil. &quot; Que demandes-tu? lui dit-elle d'un ton assez doux.<br /> &quot; Il me faut trois cheveux d'or de la tête du diable, sans quoi je n'obtiendrai pas ma femme.<br /> - C'est beaucoup demander, dit-elle, et si le diable t'aperçoit quand il rentrera, tu passeras un mauvais quart d'heure. Cependant tu m'intéresses, et je vais tâcher de te venir en aide. &quot;<br /> Elle le changea en fourmi et lui dit: &quot; Monte dans les plis de ma robe; là tu seras en sûreté<br /> - Merci, répondit-il, voilà qui va bien; mais j'aurais besoin en outre de savoir trois choses: pourquoi une fontaine qui versait toujours du vin ne fournit même plus d'eau; pourquoi un arbre qui portait des pommes d'or n'a plus même de feuilles; et si un certain passager doit toujours rester à son poste sans jamais être relevé.<br /> - Ce sont trois questions difficiles, dit-elle; mais tiens-toi bien tranquille, et sois attentif à ce que le diable dira quand je lui arracherai les trois cheveux d'or. &quot;<br /> Quand le soir arriva, le diable revint chez lui. A peine était-il entré qu'il remarqua une odeur extraordinaire. &quot; Il y a du nouveau ici, dit-il; je sens la chair humaine. &quot; Et il alla fureter dans tous les coins, mais sans rien trouver. L'hôtesse lui chercha querelle. &quot; Je viens de balayer et de ranger, dit-elle, et tu vas tout bouleverser ici, tu crois toujours sentir la chair humaine. Assieds-toi et mange ton souper. &quot;<br /> Quand il eut soupé, il était fatigué; il posa su tête sur les genoux de son hôtesse, et lui dit de lui chercher un peu les poux; mais il ne tarda pas à s'endormir et à ronfler. La vieille saisit un cheveu d'or, l'arracha et le mit de côté. &quot; Hé, s'écria le diable, qu'as-tu donc fait?<br /> - J'ai eu un mauvais rêve, dit l'hôtesse, et je t'ai pris par les cheveux.<br /> - Qu'as-tu donc rêvé? demanda le diable.<br /> - J'ai rêvé que la fontaine d'un marché, qui versait toujours du vin, s'était arrêtée et qu'elle ne donnait plus même d'eau; quelle en peut être la cause?<br /> - Ah! si on le savait! répliqua le diable: il y a un crapaud sous une pierre dans la fontaine; on n'aurait qu'à le tuer, le vin recommencerait à couler. &quot;<br /> L'hôtesse se remit à lui chercher les poux; il se rendormit et ronfla de façon à ébranler les vitres. Alors elle lui arracha le second cheveu. &quot; Heu! que fais-tu? s'écria le diable en colère.<br /> - Ne t'inquiète pas, répondit-elle, c'est un rêve que j'ai fait.<br /> - Qu'as-tu rêvé encore? demanda-t-il.<br /> - J'ai rêvé que dans un pays il y a un arbre qui portait toujours des pommes d'or, et qui n'a plus même de feuilles; quelle en pourrait être la cause?<br /> - Ah! si on le savait! répliqua le diable: il y a une souris qui ronge la racine; on n'aurait qu'à la tuer, il reviendrait des pommes d'or à l'arbre; mais si elle continue à la ronger, l'arbre mourra tout à fait. Maintenant laisse-moi en repos avec tes rêves. Si tu me réveilles encore, je te donnerai un soufflet. &quot;<br /> L'hôtesse l'apaisa et se remit à lui chercher ses poux jusqu'à ce qu'il fût rendormi et ronflant. Alors elle saisit le troisième cheveu d'or et l'arracha. Le diable se leva en criant et voulait la battre; elle le radoucit encore en disant: &quot; Qui peut se garder d'un mauvais rêve?<br /> - Qu'as-tu donc rêvé encore? demanda-t-il avec curiosité.<br /> - J'ai rêvé d'un passager qui se plaignait de toujours passer l'eau avec sa barque, sans que personne le remplaçât jamais.<br /> - Hé! le sot! répondit le diable: le premier qui viendra pour passer la rivière, il n'a qu'à lui mettre sa rame à la main, il sera libre et l'autre sera obligé de faire le passage à son tour. &quot;<br /> Comme l'hôtesse lui avait arraché les trois cheveux d'or, et qu'elle avait tiré de lui les trois réponses, elle le laissa en repos, et il dormit jusqu'au matin.<br /> Quand le diable eut quitté la maison, la vieille prit la fourmi dans les plis de sa robe et rendit au jeune homme sa figure humaine. &quot; Voilà les trois cheveux, lui dit-elle; mais as-tu bien entendu les réponses du diable à tes questions?<br /> -Très bien, répondit-il, et je m'en souviendrai.<br /> - Te voilà donc hors d'embarras, dit-elle, et tu peux reprendre ta route. &quot;<br /> Il remercia la vieille qui l'avait si bien aidé, et sortit de l'enfer, fort joyeux d'avoir si heureusement réussi.<br /> Quand il arriva au passager, avant de lui donner la réponse promise, il se fit d'abord passer de l'autre côté, et alors il lui lit part du conseil donné par le diable: &quot; Le premier qui viendra pour passer la rivière, tu n'as qu'à lui mettre ta rame à la main. &quot;<br /> Plus loin, il retrouva la ville à l'arbre stérile; la sentinelle attendait aussi sa réponse: &quot; Tuez la souris qui ronge les racines &quot; dit-il, et les pommes d'or reviendront. &quot; La sentinelle, pour le remercier, lui donna deux ânes chargés d'or.<br /> Enfin il parvint à la ville dont la fontaine était à sec. Il dit à la sentinelle: &quot; Il y a un crapaud sous une pierre dans la fontaine; cherchez-le et tuez-le, et le vin recommencera à couler en abondance. &quot; La sentinelle le remercia et lui donna encore deux ânes chargés d'or.<br /> Enfin, l'enfant né coiffé revint près de sa femme, qui se réjouit dans son cœur en le voyant de retour et en apprenant que tout s'était bien passé. Il remit au roi les trois cheveux d'or du diable. Celui-ci, en apercevant les quatre ânes chargés d'or, fut grandement satisfait et lui dit: &quot; Maintenant toutes les conditions sont remplies, et ma fille est à toi. Mais, mon cher gendre, dis-moi d'où te vient tant d'or, car c'est un trésor énorme que tu rapportes.<br /> - Je l'ai pris, dit-il, de l'autre côté d'une rivière que j'ai traversée; c'est le sable du rivage.<br /> - Pourrais-je m'en procurer autant? lui demanda le roi, qui était un avare.<br /> - Tant que vous voudrez, répondit-il. Vous trouverez un passager; adressez-vous à lui pour passer l'eau, et vous pourrez remplir vos sacs. &quot;<br /> L'avide monarque se mit aussitôt en route, et arrivéau bord de l'eau, il fit signe au passager de lui amener sa barque. Le passager le fit entrer, et, quand ils furent à l'autre bord, il lui mit la rame à la main et sauta dehors. Le roi devint ainsi passager en punition de ses péchés.<br /> &quot; L'est-il encore?<br /> - Eh! sans doute, puisque personne ne lui a repris la rame. &quot;<br /> <br /> * * * FIN * * *
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Tu as raison de poser la question sur l'origine du conte. Il existe de nombreux contes aux trois questions. Il me semble que le conte &quot;Echange et partage&quot; nous livre la bonne structure mais il est probablement une variation d'un conte originel que je ne connais pas. Pour moi le plus important est qu'il nous livre la bonne structure.<br /> Sur le passage de la quête à la déprise et au partage, je suis d'accord avec toi. Le but de chaque conte est de nous faire progresser vers un niveau supérieur, souvent en contradiction avec le niveau inférieur. Il est vrai que nous trouvons des correspondances dans l'Evangile. <br /> Il ne me semble pas que le Dieu de l'Ouest puisse être le sur-moi. Il est au contraire dans la déprise et le partage. Mais, puisque tu évoques la psychanalyse, je verrais bien l'écriture du côté de l'inconscient. C'est vrai que j'insiste sur la dialectique écriture/parole parce qu'elle est une clef pour la solution de nombreux problèmes qui se posent aujourd'hui. Elle permet la critique des régimes autoritaires qui font mine de se placer du côté de l'autorité de l'écriture pour écarter la liberté de la parole. Il y a un conte africain qui montre que là où la parole n'est pas entendue, les individus perdent la tête, au sens figuré en sombrant dans la folie, ou au sens propre en courant le risque de la mort.La même dialectique permet d'échapper à la confusion meurtrière de l'écriture et de la parole. Par exemple le Coran est d'abord une écriture et, en ce sens, il est soumis à la question et à l'interprétation libératrice. Il en va de même pour la Bible, qu'il s'agisse de l'Ancien et du Nouveau Testament. Sinon nous n'échappons pas aux intégrismes qui sacrifient le sujet à la toute-puissance de l'Ecriture. En énonçant la loi du partage, le conte &quot;Echange et partage&quot; nous fait comprendre que la parole elle-même est du côté du partage et donc aussi du côté du partage de la question et de l'interprétation.
M
Je formule quelques remarques à propos du conte que tu m'as envoyé. Il me semble composite, surchargé, pas d'une seule coulée transparente. On y sent le labeur. Est-ce de l'ancien ? Une reprise de l'ancien ?<br /> J'y lirai le passage de la logique de la &quot;quête&quot;, du &quot;mérite&quot;, du &quot;ça devrait&quot;, (et pourtant : 4 fois ou équivalents) à une logique de la &quot;déprise&quot; et du partage.<br /> En termes d'Evangile, on pourrait dire : &quot;qui veut gagner perdra, qui perdra pour ... trouvera&quot;. &quot;Heureux les pauvres en la conscience de soi (traduction personnelle qui ne me déplait pas), le Royaume des cieux est à eux&quot;. La pauvreté en la conscience de soi inclut même les questions.<br /> Pourquoi 49 jours ? 7X7 ; y manque le 1 qui ferait 50 (jubilé). Nombre impair de questions, déséquilibre. Le dieu de l'Ouest pourrait-ce être le sur-moi ?<br /> J'ai l'impression que tu t'obstines dans la dialectique de l'écrit et de la parole : est-ce là le problème ? Problème : &quot;Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez&quot; (Luc 21).
E
Quelle écriture ! Et voilà, par la magie de l'écriture, notre romancière transformée elle-même en une belle araignée !
S
Prose qui s’écrit sans être soumise aux lois de la rime<br /> <br /> …Je verserai ma mince contribution au trésor des connaissances humaines, en mentionnant l’araignée que ma mère avait – comme disait papa – dans son plafond, cette même année qui fêta mon seizième printemps. Une belle araignée des jardins, ma foi, le ventre en gousse d’ail barré d’une croix historiée. Elle dormait ou chassait, le jour, sur sa toile tendue, au plafond de la chambre à coucher. La nuit, vers trois heures, au moment ou l’insomnie quotidienne rallumait la lampe, rouvrait le livre au chevet de ma mère, la grosse araignée s’éveillait aussi, prenait ses mesures d’arpenteur et quittait le plafond au bout d’un fil, droit au-dessus de la veilleuse à huile où tiédissait, toute la nuit, un bol de chocolat.<br /> Elle descendait mollement comme une grosse perle, empoignait de ses huit pattes le bord de la tasse, se penchait, la tête la première et buvait jusqu'à satiété. Puis elle remontait, lourde de chocolat crémeux, avec des haltes qu’impose un ventre trop chargé et reprenait sa place au centre de son gréement de soie.<br /> Couverte d’un manteau de voyage, je rêvais, lasse, enchantée, reconquise au milieu de mon royaume.<br /> – Où est ton araignée, maman ?<br /> Les yeux gris de ma mère, agrandis par les lunettes, s’attristèrent : « Tu reviens de Paris pour me demander des nouvelles de l’araignée, ingrate fille ? »<br /> Je baissais le nez…Sidonie-Gabrielle COLETTE.<br /> <br /> <br /> Prose oui ! mais prose qui se dit au rythme de sa propre poésie…<br /> <br /> Cliquez sur Saint Sauveur en Puisaye Colette parle de sa maison.
L
Le rire en thérapie au parc de la Tête d’Or à Lyon (23 juin)<br /> <br /> Éclats de rire et câlins gratuits étaient au menu de cette séance dominicale de rigologie. Sur la pelouse des ébats du Parc de la Tête d’Or, les membres du club du rire ont joué de petites scènes afin de faire sourire les participants, selon le Progrès. La rigologie est une thérapie par le rire qui permet au cerveau de sécréter des endomorphines, bénéfiques pour le corps. Les promeneurs du dimanche ont pu, eux, bénéficier de câlins gratuits pour les mettre de bonne humeur. <br /> http://www.radioespace.com/infos/locales/105038/le-rire-en-thrapie-au-parc-de-la-tte-dor-lyon<br /> <br /> Cliquez sur le Parc de la tête d'or pour découvrir la roseraie.
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Lorsque les paroles gèlent, le rire s'efface et la tristesse envahit les humains. Or Rabelais semble nous montrer qu'en faisant dégeler les paroles, le rire revient avec la dive bouteille. Et le rire, c'est apparemment cet espace qui permet le vrai partage de la parole. C'est aussi retrouver notre dimension d'enfant. Appuyez sur Etienne Duval pour vous en convaincre !
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Imaginez que vous gravissez les marches d’un escalier d’une très haute tour. À chaque palier, vous faites halte, et par l’embrasure de la fenêtre vous contemplez le paysage. Vous le savez identique, et pourtant à chaque nouveau regard le panorama s’élargit et vous en avez une autre vue, plus magnifique encore. Arrivé au sommet, vous découvrez enfin l'immensité de l'espace où seul le vent bat.<br /> <br /> Ce livre est construit à l’image d’une telle ascension. Vous êtes convié à quitter le sol des idées reçues et à entreprendre une montée initiatique à la découverte du dharma, l’enseignement du Bouddha. À chaque palier, celui-ci se révèle plus vaste et plus radical que ce que vous croyez savoir de lui : ni doctrine, ni métaphysique, ni promesse. Jusqu’à ce que vous atteigniez l’ultime station, ce lieu mystique que les disciples du Bouddha appellent la fine pointe du Réel - espace de liberté.<br /> <br /> Quatrième de couverture : du livre Le bouddhisme n'existe pas d'Éric Rommeluère <br /> <br /> Ouvrez la fenêtre sur Éric Rommeluère
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L
Le fil d’araignée<br /> <br /> <br /> Voici ce qui advint un jour au paradis. Shakiamouni flânait solitaire et serein dans la beauté des fleurs, au bord d’un lac céleste. La brise parfumée ridait à peine l’eau. C’était un matin de printemps ordinaire, doux et parfait. Or, comme ce dieu tranquille cheminait à pas lents dans l’herbe tiède de la rive, son regard se laissa captiver par le scintillement du soleil sur les vagues transparentes. Il fit halte et le désir lui vint de regarder, au travers de l’eau claire, ce qui se passait ce matin-là dans le tréfonds du monde où était l’enfer. Car sous ce lac du paradis, infiniment lointains mais parfaitement visibles aux yeux divins de Shakiamouni, étaient les marais de sang et de feu où remuait la foule épaisse des damnés. <br /> <br /> Parmi cette foule, le dieu remarqua un homme qui se débattait plus furieusement que les autres, s’acharnait à se hisser sur les échines, à tendre les mains aux cieux vides, à s’agripper aux flammes errantes pour hurler sa révolte dans les fumées de soufre. Shakiamouni le reconnut : c’était Kandata, un bandit de grande force et de haute gueule. Cet homme n’avait occupé son séjour terrestre qu’à piller, incendier et violer sans vergogne. Avait-il jamais eu le moindre élan de bonté, même infime ? Shakiamouni s’interrogea, et lui vint, comme une brume légère, un souvenir. <br /> <br /> Un jour que Kandata traversait une forêt, traqué par une armée de justiciers, il avait failli sur son chemin écraser une araignée. Mais il avait retenu sa botte, par respect pour la vie de cette bête, et avait eu pour elle une fugitive pensée fraternelle. Shakiamouni savoura cet événement menu dans son esprit avec un bonheur imperceptible, mais infini. « Peut-être est-il possible de racheter Kandata » se dit-il. Près de lui, une araignée du paradis tissait sa toile entre deux fleurs de lotus. Il saisit délicatement son fil entre ses doigts d’ivoire et, à travers les eaux du lac, le dévida jusqu’aux marécages de l’enfer. <br /> <br /> Au milieu des maudits épuisés de tortures dont les faces blafardes et gémissantes dérivaient autour de lui, Kandata, seul rebelle, battant les flasques sanglantes et chassant les feux follets comme nuées d’insectes, vit tout à coup luire ce fil d’araignée dans le ciel noir. Il leva la tête et s’aperçut qu’il descendait en droite ligne d’un trou brillant comme une étoile, au plus haut de la voûte. Son coeur aussitôt bondit dans sa poitrine et l’espoir exaltant lui vint de s’évader de ces miasmes où il croupissait. Avidement, il empoigna le fil et de toutes ses forces se mit à grimper. En bon voleur qu’il était, il savait agilement escalader dans les ténèbres, mais l’étoile était lointaine, et le paradis plus haut encore. Il s’essouffla à s’élever, perdit ses forces, et bientôt incapable de mettre un poing devant l’autre, il décida de s’accorder un instant de repos. <br /> <br /> Il cessa donc de se hisser et regarda en bas. Il ne s’était pas exténué en vain : les marais infernaux étaient déjà presque indistincts, perdus dans une brume fauve, et dans l’air qu’il respirait ne régnait plus l’oppressante puanteur qui accablait les lieux d’où il venait. « Encore un effort et je suis sauvé, se dit-il avec une jubilation féroce. A moi le paradis, à moi ! » Avant de reprendre son ascension, à nouveau il pencha la tête pour se donner courage et s’emplir une dernière fois le regard de l’enfer qu’il fuyait.<br /> <br /> Alors, il vit, au fond des fonds, semblables à des fourmis dans des lueurs de feux, des grappes de damnés, affolés d’espérance, s’agripper au bout de la fine corde qu’il gravissait, et s’élever à sa suite. « Malheur, se dit-il, ne voient-ils pas que le fil est fragile ? Il ne me supporte que par miracle. Comment pourrait-il résister à cette armée de malandrins ? Il va se rompre et nous allons tous retomber en enfer, moi et ces maudits invivables ! Halte ! cria-t-il de toutes ses forces, tremblant d’effroi et de colère. Qui vous a permis de grimper ? Ce fil est à moi, à moi seul, damnés, lâchez-le ! » A peine avait-il dit ces mots, la bouche contre ses poings, que le souffle de sa voix, - ce seul souffle – brisa le fil tout net. <br /> <br /> Au bord du lac du paradis, Shakiamouni vit Kandata tomber comme un point de braise et tournoyer jusqu’à se fondre dans les lointaines brumes infernales. Il était à jamais perdu maintenant. Rien ne pouvait plus le sauver. « Comme les hommes sont étranges et peu simples, se dit le dieu, soudain mélancolique. Pourquoi ce brigand a-t-il voulu se sauver seul ? » Il reprit sa promenade paisible au bord de l’eau, dans la brise indifférente et les fleurs au parfum parfait. Il était midi au paradis et le soleil dans le ciel n’avait pas encore rencontré le moindre nuage. (Conte de l’Inde, Henri Gougaud, L’arbre aux trésors, Ed. du Seuil) <br /> NB. Il s’agit plus probablement d’un conte japonais du bouddhisme zen.<br /> <br /> Appuyez sur le titre pour voir le spectacle extraordinaire d'une araignée tissant sa toile.
E
J'ai regardé votre vidéo et j'avoue que je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. J'ai travaillé cette année avec deux groupes différents sur le bouddhisme : un café philosophique et un groupe de parole. Un spécialiste du bouddhisme est venu à plusieurs reprises pour nous introduire à de petits exercices de méditation et nous aider à interpréter le long sutra du Lankavatara. Il a été très difficile de sortir de nos représentations culturelles pour entrer dans une pensée qui nous déroutait avec des concepts que nous ne maîtrisions pas du tout. <br /> <br /> Mais j'aurais aimé que vous restiez dans la problématique de la loi de la vie. Tout en vous remerciant, je vais faire ce que vous auriez pu faire en présentant, dans un nouveau commentaire, un conte bouddhiste sur le partage.
H
Merci de ce beau texte inspirateur d'une sagesse supérieure.
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S
Celui qui partage vit dans la liberté : il a appris à voler comme l'hirondelle.<br /> <br /> Salomon et l’hirondelle<br /> <br /> Dans le palais de Salomon, une hirondelle mâle servait de près une hirondelle femelle, <br /> Qui se refusait vigoureusement. <br /> Le mâle s’écria :<br /> <br /> - Mais comment peux-tu me refuser, moi ?<br /> Ne sais-tu pas que si je voulais, je pourrais renverser la haute coupole de ce temple ? <br /> La renverser sur Salomon lui-même.<br /> <br /> Salomon, qui comprenait le langage des oiseaux,<br /> Appela le mâle et lui demanda avec quelque sévérité :<br /> <br /> - Comment as-tu pu dire une pareille idiotie ? <br /> Pourquoi, qu’est-ce qui t’a poussé ?<br /> - Il ne faut pas prendre au sérieux les paroles des amoureux,<br /> Répondit l’oiseau. <br /> - Tu as raison, dit Salomon avec un sourire. <br /> <br /> Et il le laissa s’envoler. <br /> (Le cercle des menteurs, Jean-Claude Carrière, éd.Plon)<br /> <br /> Appuyez sur le titre pour voir l'hirondelle...
T
Dona Dona<br /> Dona, dona, dona, dona,<br /> Dona, dona, dona, do,<br /> Dona, dona, dona, dona,<br /> Dona, dona, dona, do<br /> Dans une cariole allant au marché,<br /> il y a un veau à l'air mélancolique.<br /> Au-dessus de lui, il y a une hirondelle<br /> qui virevolte très haut dans le ciel.<br /> (refrain : )<br /> Dona, dona, dona, dona,<br /> Dona, dona, dona, do,<br /> Dona, dona, dona, dona,<br /> Dona, dona, dona, do<br /> Oh, le rire des vents résonne,<br /> il résonne de toute leur force,<br /> du matin jusqu'au soir,<br /> et tard dans la nuit d'été.<br /> &quot;Arrête de te plaindre&quot; dit le fermier,<br /> &quot;Qui t'a demandé d'être un veau ?<br /> Pourquoi n'as-tu pas les ailes<br /> de la fière et libre hirondelle ?&quot;<br /> (refrain)<br /> Un veau se laisse mener à l'abattoir<br /> facilement, sans même savoir pourquoi.<br /> Mais celui à qui la liberté est chère,<br /> a appris à voler comme l'hirondelle.<br /> (refrain)
J
Et si nous remontions maintenant à 1960 avec Donna donna de Joan Baez.
F
Puisque nous sommes le soir de la fête de la musique, en écho à Vicky Léandros qui a un nom grec, j'ai l'envie de faire entendre une des plus belles voix du Moyen Orient, celle de la chanteuse libanaise Fairouz.
C
À l’est d’Eden <br /> <br /> Le Chant de Vicky Léandros<br /> <br /> Quand même un gosse ne rit plus comme un gosse<br /> Nous sommes à l'est d'Eden<br /> Quand on s'en fout de cette terre qui pleure<br /> Cette planète dévastée<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> <br /> Quand une larme n'est plus qu'une goutte d'eau<br /> Nous sommes à l'est d'Eden<br /> Quand même l'amour n'est qu'un marché sordide<br /> Des caresses payées<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> <br /> Vivre chaque jour comme si c'était l'dernier<br /> Ne perdons jamais notre sincérité<br /> S'il n'y a plus rien qui nous réunit<br /> Le dernier phare s'éteint<br /> Et tout sera gris<br /> <br /> Quand notre foi ne peut plus s'imposer<br /> Nous sommes à l'est d'Eden<br /> Quand tout espoir deviendra horizon<br /> Qu'on n'atteindra jamais<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> <br /> Que notre amour nous inonde comme une marée<br /> Dont les vagues rouleront comme nos pensées<br /> Je sais bien qu'un jour il faut partir<br /> Mais c'est en chantant que je veux mourir<br /> <br /> Quand même un gosse ne rit plus comme un gosse<br /> Nous sommes à l'est d'Eden<br /> Quand on s'en fout de cette terre qui pleure<br /> Cette planète dévastée<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> Alors not'vie sera une farce<br /> <br /> Si vous voulez bien l’entendre, cliquez sur Vicky Léandros.
E
Cette nouvelle histoire peut être facilement interprétée si l'on revient à la première version, &quot;Echange et partage&quot;. La loi du monde c'est le partage. Je ne partage pas seulement avec les autres hommes mais aussi avec Dieu, si je suis croyant. A chacun de prendre ses responsabilités sans tout attendre des autres ou de l'Autre. Nous sommes dans un monde de responsabilités partagées.<br /> Il semblerait donc qu'Echange et partage nous fournisse une matrice plus épurée que les deux autres, sans pouvoir en tirer la conclusion que ce conte est la version d'origine.
L
L'homme qui cherchait sa chance<br /> Une autre version de l’homme aux trois questions<br /> <br /> Praline Gay-Para, L'homme qui cherchait sa chance in : L'ogre gentleman et autres contes, Ed. Syros, Collection Paroles de conteurs, 1994. Un conte revisité par Praline Gay-Para avec un humour salvateur qui rend bien moins tragique (en apparence) la malchance ; mais la sottise reste toujours aussi difficile à vivre ! Et la chance ? « Ta chance, c’est toi qui la forges, au moins pour les deux tiers. » Voilà une version qui nous aidera à devenir acteur de notre vie en saisissant la chance là où elle se trouve, juste devant !<br /> « Il n’avait pas de chance, Jabr. Le jour où la chance avait été distribuée sur la Terre, il était au fond de son placard à chercher ses souliers. Il avait si peu de chance qu’il lui suffisait d’aider à construire une maison dans le pays pour que, la nuit même, la foudre s’abatte juste à l’endroit où il avait mis la main. Les jeunes filles le fuyaient comme une épidémie. Tenez, une fois il était tombé amoureux de l’une d’entre elles, le lendemain elle avait péri sous les pneus d’un camion. Depuis, dès que son regard s’attardait sur une jeune femme, elle se précipitait pour en épouser un autre.<br /> Il n’avait pas de chance Jabr.<br /> Le souhait le plus cher de ses voisins était qu’il se fasse croque-mort… On ne sait jamais ! (puisqu'il jouait de malchance, qui sait ? mais on ne joue pas avec la mort ...)<br /> Ne pouvant se contenter d’être malchanceux, il était, en plus, râleur. Il se plaignait à tous ceux qu’il rencontrait :<br /> - Pourquoi toi, tu as de la chance et pas moi ? Hein ? Pourquoi c’est toujours moi ?<br /> Il se lamentait à plein temps et prenait à partie son entourage. C’était plus fort que lui. Une épreuve permanente pour sa famille et ses voisins. Aussi, dès qu’ils le voyaient s’approcher, ils fermaient portes et fenêtres, et criaient :<br /> - Nous n’y sommes pour rien ! Ta chance, c’est le Bon Dieu qui en a décidé ainsi ! Ta malchance, ce n’est pas nous, Jabr ! C’est le Bon Dieu !<br /> A force d’entendre le « Bon Dieu » par-ci, le « Bon Dieu » par-là, Jabr se décide enfin à aller trouver personnellement l’homme illustre afin de lui réclamer son lot de chance sur la Terre. Quel bonheur d’avoir une idée ! Il met son costume dix-huit pièces, ses chaussures et, pour la première fois, il noue ses lacets et quitte la ville.<br /> <br /> Le chemin jusque chez le Bon Dieu est bien long. Jabr marche, marche, marche, pendant trois jours et trois nuits. Il est fatigué et ne peut réprimer l’irrésistible envie de se lamenter :<br /> - Pourquoi moi et pas un autre ? Un autre serait déjà arrivé depuis longtemps. Trois jours et je suis encore là !<br /> Il n’y a pas un seul bruit autour de lui. La nature est bel et bien vivante, mais pas un souffle d’air, pas un bruissement de feuilles. Il se sent tout seul au monde. Il s’assied sur un rocher quand, soudain, une masse informe remue devant ses pieds. Jabr bondit effrayé. C’est un vieux chacal tout pelé, tout édenté, couché sur le flan et qui a du mal à respirer.<br /> - Que fais-tu là ? demande l’animal.<br /> - Je ne fais que passer, répond Jabr. Je n’ai pas de chance sur la Terre et je vais de ce pas chez le Bon Dieu pour lui demander de m’en donner un petit peu.<br /> - Tu vas si loin ! Si jamais tu réussis à le rencontrer, soit gentil et pense à moi. Demande-lui ce que je dois faire pour ne plus avoir faim jusqu’à ma mort. Je suis si vieux, je n’ai plus la force de me lever.<br /> - J’ai mauvaise mémoire, dit notre homme, ma tête est une vraie passoire, mais j’essaierai de m’en souvenir. (avec un peu de chance ...)<br /> <br /> Et Jabr repart. Il retourne dans sa tête l’histoire du chacal pour ne pas l’oublier. Le chacal à manger, le chacal à manger… Du rythme dans la tête fait avancer les pieds.Trois jours, trois nuits. Dès que l’envie de se plaindre se remet à le démanger, Jabr voit devant lui une belle maison toute blanche, fraîchement repeinte, avec un petit jardin anglais parfait. Et dans le jardin, une jeune fille belle comme un soleil, on aurait pu croire qu’elle l’attendait !<br /> - Que fais-tu là ? demande-t-elle.<br /> - Je ne fais que passer, répond Jabr. Je n’ai pas de chance sur la Terre et je vais de ce pas chez le Bon Dieu pour lui demander de m’en donner un petit peu.<br /> - Le chemin est bien long. Tu ferais bien de commencer par te reposer, boire et manger. Entre !<br /> Jabr ne se fait pas prier. Il fait un repas aussi copieux que délicieux, en bonne compagnie ! Puis il s’apprête à reprendre la route, quand la jeune fille le rappelle :<br /> - Si tu réussis à le rencontrer, peux-tu penser à moi ?<br /> - Je ne suis pas un ingrat, s’empresse de dire Jabr. Un oublieux, oui. Que désires-tu ?<br /> - Demande au Bon Dieu pourquoi, jeune, belle et riche comme je le suis, tous les soirs quand je me couche, je pleure deux heures de chagrin avant de prendre le sommeil. J’aimerais ne plus pleurer.<br /> - J’y penserai ! promet-il en s’éloignant.<br /> <br /> Le chemin de la maison blanche jusque chez le Bon Dieu est long. Jabr marche d’un bon pied. Il a peur de mêler les deux affaires, aussi répète-t-il sans arrêt : le chacal à manger, la jeune fille pas pleurer, le chacal à manger, la jeune fille pas pleurer… Du rythme dans la tête fait avancer les pieds. Et au bout de trois autres jours et trois autres nuits de marche, il se sent arriver. Allez savoir pourquoi on sait toujours que l’on est près du but. Jabr est certain que le Bon Dieu n’est plus très loin. Il se regarde et constate, désolé :<br /> - Je ne peux pas me présenter dans cet état !<br /> Jabr n’est pas vraiment sale ou mal habillé. Il est un peu décoiffé, légèrement couvert de poussière, mais ce qui le gêne plus que tout, ce sont ses pieds. Quand il a quitté son pays il avait les pieds avec des souliers autour. Mais au bout de tant de jours de marche… il a des chaussures avec des pieds autour ! Oui, ses pieds sont si gonflés ! Il ne peut pas aborder le Bon Dieu dans cet état. Jabr se déchausse, s’assied au bord d’une rivière et trempe ses pieds dans l’eau afin de les rafraîchir. Il a mal au dos. Un tronc d’arbre, derrière lui, offre un appui confortable. Bien adossé, Jabr regarde la forêt tout autour. Tous les arbres sont verdoyants, luxuriants, tous sauf un qui est ratatiné, tout desséché, tout rabougri… celui contre lequel il est appuyé ! La malchance est fidèle !<br /> - Tu as une drôle de tête, dit Jabr, agacé, à l’arbre.<br /> - Et toi, tu as vu ta tête ? répond l’arbre vexé. Qui es-tu ?<br /> - Je m’appelle Jabr et je ne fais que passer. Je suis un malchanceux professionnel, il n’y a qu’à te voir ! Je vais de ce pas chez le Bon Dieu pour lui demander de me donner un lot de chance sur la Terre.<br /> - Mais tu as une chance extraordinaire ! Tu n’as pas de racines, tu peux aller loin. Moi, je suis là, planté comme un poireau. Je suis né ici, je mourrai ici, sans avoir vu le monde. Si tu vois le Bon Dieu, pourras-tu lui demander conseil pour moi ?<br /> - Jamais deux sans trois ! se reprend à râler notre homme. Que veux-tu ?<br /> - Voilà, de tous les arbres de la forêt, je suis le près de la rivière et pourtant, je me dessèche de jour en jour. Que faire pour pousser à nouveau et m’épanouir à nouveau ?<br /> - Si je m’en souviens, je lui demanderai, promet Jabr<br /> <br /> Pendant ce temps, les pieds ont retrouvé leur tête de pieds. Jabr se chausse, enlève la poussière de son costume, se peigne et reprend la route. Il fait durer le plaisir et marche lentement... Et puis soudain, il est là devant lui. Le Bon Dieu en personne ! Assis en haut d’une immense falaise, les pieds dans le vide, ballants, il boit un diabolo menthe en souriant. Il observe sa création et semble très satisfait de son œuvre. « Je suis un artiste parfait ! » pense-t-il. Le Bon Dieu baigne dans un bonheur divin quand, soudain, un inconnu se prend les pieds dans une racine et atterrit à ses côtés, mettant fin à sa contemplation bienheureuse.<br /> - Qui es-tu ? demande-t-il à l’homme, blanc de colère.<br /> - Je suis Jabr et je viens de loin, répond celui-ci en s’excusant. Je ne voulais pas te déranger.<br /> - Que veux-tu ? demande le Bon Dieu impatient.<br /> - Je n’ai pas de chance et tous disent que c’est toi qui en a décidé ainsi. Alors je viens te demander de me donner un peu de chance sur la terre. C’est tout ! dit l’homme confus.<br /> - De la chance ? … D’accord. Je viens à l’instant de te créer un lot de chance, mais c’est à toi de la chercher, c’est à toi de la trouver.<br /> Jabr est heureux, il se sent pousser des ailes. Il est prêt à repartir, quand il se souvient de ses trois rencontres :<br /> - Je ne voudrais pas abuser de ta générosité, mais que doit faire l’arbre qui est au bord de la rivière ?<br /> - … (Dieu lui chuchote la réponse à l'oreille) ...<br /> - Parfait, c’est simple. Et la jeune fille ?<br /> - …<br /> - Bon. Et le chacal ?<br /> - …<br /> Le Bon Dieu répond à toutes les questions de Jabr. Celui-ci, rempli de joie, part en courant :<br /> - J’ai mon lot de chance sur la Terre ! J’ai mon lot de chance sur la Terre !<br /> <br /> Il court si vite qu’il en oublie presque de s’arrêter à côté de l’arbre. A la dernière seconde il freine de toutes ses forces. L’arbre l’attendait :<br /> - M’aurais-tu oublié ? demande-t-il sur un ton de reproche.<br /> - Me voici, répond Jabr, ne commence pas à râler ! Le Bon Dieu te fait dire qu’un trésor a été enterré à tes pieds depuis quelques années et qu’il empêche l’eau de la rivière de passer. Tu dois déterrer le trésor et tu pourras pousser. Facile, non ?<br /> Jabr est prêt à repartir.<br /> - Attends, crie l’arbre. Que veux-tu que je fasse d’un trésor, moi ? Prends-le et laisse-moi m’arroser.<br /> - Tu as une branche dans l'oreille ! Je te dis que j’ai un lot de chance sur la terre, je dois aller la chercher et tu veux que je perde mon temps à creuser, me charger, suer ? Débrouille-toi ! Bonne chance !<br /> <br /> Jabr repart à toute allure. Il court comme un fou en hurlant :<br /> - J’ai mon lot de chance sur la Terre ! J’ai mon lot de chance sur la Terre !<br /> Il arrive devant la maison blanche. La jeune fille l’attend sur le perron :<br /> - Alors ? As-tu pensé à moi ? demande-t-elle joyeuse.<br /> - Bien sûr, répond notre homme. De toutes les affaires que j’ai pu soumettre au Bon Dieu, la tienne est la plus simple. Il te faut un mari. Quand tu auras un amoureux, tu ne pleureras plus toutes les nuits.<br /> Il semble si pressé de repartir :<br /> - Attends ! lui dit la jeune fille. Elle le passe en revue, de la tête aux pieds puis des pieds à la tête. Un aller-retour complet. Il peut plaire.<br /> - Veux-tu m’épouser ? dit-elle tout intimidée.<br /> - Pas question ! J’ai un lot de chance sur la terre, je dois aller la trouver. Crois-tu que j’ai le temps de me fiancer, me marier, avoir des enfants, les couches-culottes, les biberons, le caddie le samedi… Bonne chance à toi ! Adieu<br /> <br /> Avant même qu’elle puisse répondre, il avait disparu. Il court sur le chemin. Il va si vite qu’il arrive tout essoufflé devant le chacal. Celui-ci est si vieilli qu’il n’a plus la force de parler. Jabr reprend son souffle et dit :<br /> - Je l’ai rencontré et je ne t’ai pas oublié. Le Bon Dieu te fais dire que quand tu auras mangé l’homme le plus stupide de la Terre, tu n’auras plus faim.<br /> Et croyez-vous que le chacal s’est gêné ? C’est depuis ce temps-là qu’au pays de Jabr on dit :<br /> « Ta chance, c’est toi qui la forges, au moins pour les deux tiers. » »
C
ayant mis l'article en lien sur ma &quot;page&quot; facebook : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=574032059316344&amp;id=117426114976943&amp;comment_id=5749778&amp;offset=0&amp;total_comments=1&amp;ref=notif&amp;notif_t=share_comment<br /> Rémi Garcia-Kerviel m'a fait ce commentaire/question : &quot;Bien joli conte, merci du partage. J'ai déjà entendu des structures proches il y a 8 ans dans une auberge à Paimpol (impossible de me souvenir du nom du conteur), et il y a 3 ans raconté par Catherine Zarcate : une idée du conte-type ? Merci beaucoup !&quot;<br /> Je lui ai répondu ceci : <br /> il me semble que l'on est en présence d'un conte de type AT N° 0461 &quot;la quête des 3 cheveux d'or du diable&quot;, &quot;Les trois poils du diable&quot;, à l'instar de : <br /> Les trois questions, Texte de Didier Dufresne, d'après la tradition chinoise, Albums du Père Castor Flammarion - 2001<br /> La montagne aux trois questions, Béatrice TANAKA, D'après un conte populaire vietnamien, Albin Michel Jeunesse, 1998<br /> Le vieillard Saitout et ses trois cheveux d'or, conte tchèque, in : Oldrich SIROVATKA, Rudolf LUZIK, &quot;Contes slaves&quot;, éd. Gründ, Paris, 1971, p. 62<br /> Les trois poils du diable, recueilli à Quimerc'h (Finistère) par Henri CÉVAER, in : Amand DAGNET, R.T.P. REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES, tome 21-1906, p. 477<br /> Les trois cheveux d'or du diable, Grimm (la 2ème partie du conte)<br /> =&gt; à ne pas confondre avec &quot;L'homme qui courait après sa chance&quot;, comme ici par exemple : http://infodoc.blog.free.fr/index.php?post/2013/02/01/C...-comme-Chance
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E
La ressemblance entre les deux contes est manifeste. On sent bien qu'il y a une inspiration et une structure communes. Mais ici l'influence bouddhiste me paraît plus manifeste. La vie humaine est un long pèlerinage qui nous conduit à la jonction du ciel et de la terre. Le danger est de trop s'attacher y compris à sa propre disgrâce : l'attachement empêche de cheminer. Au terme du cheminement, il y a la découverte de la vérité. La vérité c'est l'amour qui illumine toute la vie.
L
Conte <br /> LA MONTAGNE AUX TROIS QUESTIONS <br /> <br /> D’après un conte populaire vietnamien <br /> Beatrice tanaka Chen Jiang Hong , les contes de sagesse <br /> C Asie viet (jeunesse alcazar)<br /> <br /> Il était une fois un jeune étudiant très malheureux. Rien qu’en regardant sa figure, on devinait pourquoi : il était laid. Avait il le nez rouge ? Les cheveux verts ? Les oreilles trop grandes ? Les yeux de travers ? Personne ne le sait plus aujourd’hui. Mais aucune jeune fille n’en voulait pour époux, aucun garçon n’en voulait pour ami.<br /> Et lorsqu’il se présenta aux concours d’Etat, l’huissier lui interdit d’en franchir la porte : <br /> « Pas question de devenir fonctionnaire avec une tête pareille ! Les gens en perdront tout respect pour les mandarins ! Même le roi, que le Ciel le protège, en serait ridiculisé ! » <br /> « C’est trop injuste ! pense l’étudiant en s’en allant, tête basse. Je ne l’ai quand même pas choisie, ma figure ! » <br /> Et puis il se rappelle une berceuse que lui chantait sa mère, lorsqu’il était tout petit. <br /> Au pays de l’ouest <br /> Au pays des orages <br /> Il y a une montagne <br /> Qui touche les nuages. <br /> La terre y rencontre <br /> Le Ciel étoilé, <br /> Trois génies, trois réponses... <br /> Mais comment y aller ?<br /> « Je dois trouver cette montagne. Je l’escaladerai et demanderai aux génies pourquoi j’ai été affligé d’une figure aussi disgracieuse ! » se dit l’étudiant. Et il par vers l’ouest. <br /> Il marche longtemps. <br /> <br /> Au début, il dort dans les champs. Il craint les moqueries qui l’accueilleraient dans les auberges. Mais au fur et à mesure qu’il avance, les villages sont plus petits, les distances entre eux plus grandes. La route devient un sentier étroit qui commence à grimper. Parfois, lorsqu’il fait clair, on voit une montagne entourée de brumes flotter au-dessus de l’horizon. Et les orages sont de plus en plus fréquents, de plus en plus violents. <br /> « Je suis sur le bon chemin », se dit l’étudiant.<br /> Un soir, un orage terrible se déchaîne. Le tonnerre gronde, les éclairs déchirent le ciel. L’étudiant est trempé jusqu’à l’os. En voyant une ferme isolée, il prend courage et frappe à la porte. <br /> <br /> Un vieil homme aux yeux tristes lui ouvre. Il ne semble pas remarquer la laideur de son hôte. Il l’accueille, le nourrit, l’invite à se réchauffer auprès du foyer, comme si l’étudiant était un visiteur de marque. Ce n’est que le lendemain qu’il demande : <br /> -Excusez la curiosité d’un vieil homme... mais que faites-vous, un étudiant, dans ce pays perdu, si loin des écoles ? <br /> -Je cherche la Montagne où le Ciel rencontre la Terre. On dit qu’on y trouve réponse à toute question... et je voudrais savoir pourquoi je suis si laid... <br /> Le vieillard soupire. <br /> - Chaque homme porte un malheur, dit-il. Moi, par exemple, j’ai une fille unique que j’aime par-dessus tout, mais la pauvre est muette. Voilà pourquoi j’habite si loin de tout village : pour que ma fille ne sache pas qu’elle est différente des autres... S’il vous plaît, lorsque vous aurez atteint la Montagne, pourriez-vous y demander pourquoi ma fille est muette ? <br /> - Je vous apporterai la réponse à mon retour ! promet l’étudiant en continuant son voyage.<br /> Le sentier passe à travers une forêt sombre et épaisse. Des oiseaux étranges sifflent. Des serpents silencieux glissent le long des arbres dont le feuillage cache le ciel. Des singes se balancent en ricanant d’une liane à l’autre. <br /> <br /> A la tombée de la nuit, l’étudiant se demande s’il ne finira pas dans le ventre d’un tigre, il débouche soudain dans une clairière, devant une petite hutte entourée d’un jardin merveilleux. Encouragé par l’accueil amical de la veille, il frappe à la porte. <br /> - Sois le bienvenu ! c’est bien la première fois que j’ai un visiteur, s’écrie joyeusement l’ermite qui ouvre. Entre, entre donc ! Et que se passe-t-il, pour qu’un étudiant se mette à parcourir cette forêt du bout du monde ? <br /> - Je cherche la Montagne où le Ciel rencontre la Terre, pour demander pourquoi je suis si laid... <br /> - A chaque homme son malheur ! soupière l’ermite. Même moi, qui vis retiré, je ne puis vivre complètement heureux. Ma grande joie, c’est mon jardin, et en son milieu, il y a trois orangers. Je les soigne tous trois avec autant d’amour, mais un arbre seulement porte des fleurs et des fruits, et les deux autres restent secs comme si c’était l’hiver toute l’année. Si tu arrives au sommet de la Montagne, pourrais-tu demander pourquoi deux de mes arbres chéris ne fleurissent jamais ? <br /> - Je vous apporterai la réponse à mon retour ! dit l’étudiant, en quittant l’ermite le lendemain à l’aube. <br /> <br /> La Montagne semble toute proche, mais il sait que la route sera longue. <br /> La forêt finit. Le sentier a disparu. L’œil fixé sur la Montagne entourée de nuages, l’étudiant grimpe parmi des rochers noirs et escarpés. Des traînées de brouillard flottent dans l’air silencieux. Il n’y a plus d’oiseaux, seul un aigle s’élève de temps en temps jusqu’à ces hauteurs.<br /> Et puis un torrent bouillonnant arrêt l’avance du jeune homme. Les eaux sont profondes, rapides, tourbillonnantes. Impossible de les traverser à gué ou à la nage. Et il n’y a ni barque, ni pont, ni tronc d’arbre en vue. <br /> Le voyageur s’assoit sur une pierre et regarde le sommet qui se dresse devant lui. Les traînées de brouillard l’entourent comme une ronde de jeunes filles moqueuses. Devoir rebrousser chemin, si près du but... <br /> - Tiens, tiens, il y a trois siècles que je vis ici, et voici le premier homme à parvenir si haut ! dit une voix étrange. <br /> L’étudiant sursaute. Il regarde tout autour de lui mais ne voit personne. Là, dans l’eau, il n’y a qu’une vieille carpe gigantesque aux yeux écarquillés. <br /> - Je me demande ce que tu cherches dans ce désert, dit la voix, tandis que la carpe fait des bulles d’air, une pour chaque mot.<br /> Et bien que ce soit contraire à tout ce qu’il a appris sur les poissons, l’étudiant doit bien admettre que c’est elle qui parle. <br /> - J’essaie d’atteindre le sommet de la Montagne pour poser une question, dit-il. <br /> - Pourrais-tu en poser une aussi de ma part ? <br /> - Volontiers. <br /> - Et tu n’en riras pas ? <br /> - On s’est trop souvent moqué de moi pour que j’ose me moquer de qui que ce soit. <br /> - Alors monte sur mon dos ! dit la carpe. Et, tout en nageant, elle ajoute : toute carpe âgée de plus de cent ans peut devenir un dragon. Il suffit qu’elle saute par-dessus le pont qui se trouve en aval, et qu’on appelle le Pont-aux-Dragons. Tous mes amis l’ont déjà franchi, moi seule n’y arrive pas... <br /> - J’en demanderai la raison, je le promets ! dit l’étudiant en sautant à terre. <br /> - Bonne chance ! Je t’attendrai ici ! fait la carpe, en agitant sa queue en signe d’adieu.<br /> <br /> Le jeune homme disparaît dans le brouillard. Il grimpe en cherchant à tâtons son chemin parmi les rochers. Il escalade des parois lisses, monte de plus en plus haut, à travers pierrailles et nuages. <br /> Il atteint le sommet. C’est comme un petit balcon suspendu, comme une barque dans le ciel. Trois vieillards souriants semblent y monter la garde. <br /> - Puisque tu as entrepris ce voyage difficile, ta question doit être très importante, dit le premier, et sa voix ressemble au vent du matin dans les bambous. <br /> - Le Ciel nous a envoyés à ta rencontre, comme récompense pour ton courage et ta persévérance, dit le deuxième, et sa voix est comme le bruissement des cocotiers à midi. <br /> - Nous te dirons ce que nous savons, dit le troisième, et sa voix est comme la brise du soir sur la mer.<br /> L’étudiant les salue d’une révérence. <br /> « Si la carpe ne m’avait pas aidé à traverser le torrent, je ne serais jamais parvenu jusqu’ici », pense-t-il, et il demande : <br /> - Pourquoi mon amie la carpe, qui désire tant devenir dragon, n’arrive-t-elle pas à sauter par-dessus le Pont-aux-Dragons ? <br /> - Parce qu’elle avala une émeraude lorsqu’elle était jeune. C’est ce joyau qui l’attache à la Terre, dit le premier génie.<br /> L’étudiant s’incline pour le remercier et va poser sa question, lorsqu’il se rappelle l’ermite jardinier. « s’il ne m’avait hébergé, je serais peut-être mort », pense-t-il, et il demande : <br /> - Pourquoi deux des orangers de mon ami l’ermite ne portent-ils ni fleurs ni fruits, alors qu’il les soigne autant que l’orange qui en porte ? <br /> - A cause de ce qui dort sous leurs racines, dit le deuxième génie. Ton ami se retira du monde, pensant que, loin des villes, les hommes sont plus près du bonheur, que c’est en terre vierge que poussent les plus belles fleurs. Mais il ne sait pas qu’il y a très longtemps un brigand enterra un trésor dans sa clairière. L’or tue la vie, aussi bien dans les villes que dans les jardins. C’est l’or sous leurs racines qui empêche les deux orangers de fleurir.<br /> L’étudiant s’incline à nouveau pour remercier. <br /> - Il ne te reste qu’une question. Réfléchis bien avant de la poser, murmure le troisième génie. L’étudiant s’apprête à poser sa question mais le sourire du génie lui rappelle le vieillard triste qui l’avait accueilli pendant l’orage, le premier homme qui ne s’était pas écarté ni moqué de lui, père d’une fille muette... Ne pas pouvoir rire et chanter, n’est-ce pas pire que d’être laid ? <br /> - Pourquoi... Pourquoi la fille du vieillard est-elle muette ? demande-t-il. Et sa voix tremble juste un tout petit peu. <br /> - Parce que l’homme juste et lettré, l’époux dont elle rêve en silence, n’a pas encore surgi dans sa vie, dit le troisième génie. <br /> <br /> Et tout trois disparaissent dans les nuages. L’étudiant frissonne. Il remarque soudain combien il fait froid sur ce pic balayé par les vents. Lentement, tristement, il commence sa descente. Lorsqu’il arrive au bord du torrent, la carpe l’attend. <br /> - Il paraît que tu as avalé une émeraude jadis, et que c’est elle qui t’empêche de sauter assez haut ! lui crie-t-il. <br /> - Mais oui, je l’avais complètement oublié ! rit la carpe.<br /> Et lorsqu’ils ont atteint l’autre rive, elle crache le joyau aux pieds du jeune homme. <br /> - Garde-la en souvenir de moi ; elle te portera bonheur ! dit-elle.. <br /> Et , bondissant et frétillant de joie, elle entreprend son voyage de dragon. <br /> <br /> Le cœur serré, l’étudiant la suit du regard jusqu’à ce que sa dernière bulle ait disparu derrière les pierres moussues du torrent. Puis il ramasse son cadeau et continue sa route. <br /> Il fait déjà nuit lorsqu’il atteint la hutte de l’ermite ; mais en entendant la réponse des génies, le vieil homme ne tient plus en place. Sans attendre l’aube, il se hâte vers les orangers, bêchant à la lumière de la lampe que lui tient l’étudiant. <br /> Et, pour sûr, voici le trésor parmi les racines ! <br /> - Pour moi, les fruits de mes orangers sont les plus merveilleux trésors ! dit-il. Que veux-tu qu’un vieil ermite fasse de ces bracelets et boucles d’oreilles ? S’il te plaît, offre-les de ma part à celle qui sera ton épouse.<br /> « Avec ma figure, je n’en aurai jamais » pense l’étudiant. <br /> Mais il ne veut pas gâcher la joie du jardinier par ces pensées lugubres, et le vieil homme insiste tellement qu’il ne peut refuser.<br /> <br /> C’est ainsi que le lendemain matin il quitte la hutte avec toutes les bénédictions de l’ermite, un paquet de bijoux dans une main, et dans l’autre quelques rameaux des orangers fleuris pendant la nuit. <br /> Il traverse la forêt, descend vers le pied de la Montagne et, à la tombée du jour, arrive à la ferme isolée de son premier hôte. Dans la lumière du soleil couchant, elle semble abandonnée. Des herbes poussent sur le seuil et dans les fissures des murs. Dans la cour, une jeune fille vêtue d’une robe de soie fanée distribue du grain aux poulets. <br /> « C’est probablement la fille muette, elle a l’air si triste » pense l’étudiant. <br /> Il imagine la joie du père en apprenant que sa fille recouvrera la parole et épousera un grand lettré, et soudain il ne se sent plus si malheureux de ne pas avoir reçu de réponse à sa propre question. <br /> Il presse le pas et frappe au portillon. <br /> La jeune fille lève les yeux, les ouvre tout grands d’étonnement, elle laisse tomber son panier et s’approche du portillon. <br /> Et l’étudiant a l’impression qu’elle ne marche pas, mais glisse dans l’air comme un papillon, que son sourire aussi est différent de tous les sourires qu’il a jamais vus, ni moqueur ni provoquant, mais chaud et doux comme une lampe au crépuscule. <br /> &quot;Nous vous attendions&quot;, dit-elle lentement. <br /> Sa voix est comme une clochette d’argent toute neuve, et elle rougit comme une pivoine. Et puis demanderez-vous ?<br /> Le père dansa de joie en entendant sa fille parler, et la donna en mariage à l’étudiant enfin heureux. Et puis le regard plein d’amour de sa jeune femme persuada notre héros qu’il n’était si laid, après tout ; ce qui lui valut un air si joyeux et un sourire si radieux que bientôt tout le monde le jugea une personne fort agréable, bien que ni son nez, ni ses cheveux, ni quoi que ce soit d’autre ait changé. Il n’était pas question d’écarter un homme si calme et si gai d’un concours ou d’une charge importante. _ Et plus tard, personne ne put jalouser ou flatter quelqu’un doté d’une tête si gentiment comique et si comiquement gentille... <br /> Même pas lorsqu’il devint Premier Ministre !
C
du moins voici 2 liens : <br /> La montagne aux trois questions, Béatrice TANAKA, Albin Michel Jeunesse, 1998 conte populaire vietnamien =&gt; http://www.bonpied-bonoeil.org/article.php3?id_article=102<br /> <br /> Les trois questions, d'après la tradition chinoise, Albums du Père Castor Flammarion - 2001 =&gt; www.livresenfamille.fr/p2492-didier_dufresne_les_trois_questions.html
E
Merci pour ce partage auquel je suis très sensible parce qu'il vient d'un connaisseur. J'essaierai de retrouver les références que vous me signalez. En échange, pas pour vous mais pour d'autres, il suffit de cliquer sur Etienne Duval pour être sur le site &quot;Mythes fondateurs&quot; où sont répertoriés et analysés (brièvement) de nombreux mythes et contes.<br /> <br /> Bon parcours à vous pour les semaines et les mois qui viennent ! Bonne journée pour demain !
D
A se demander, Etienne si le jeune Chinois, du groupe de parole, nous livrerait peut-être par le biais du conte &quot; Échange et partage &quot;, Tout le périple du peuple de Chine. Nous invitant ainsi à passer de l’autre coté du miroir de notre monde occidental. <br /> Mais bon c’est une question. <br /> <br /> <br /> Ps : J’en profite pour te communiquer des adresses glanées sur le Net qui traitent la version kiwi d'overblog<br /> <br /> Questions / réponses sur :<br /> http://forum.over-blog.com/thread-2720126-0.html <br /> <br /> Le forum d'entraide d'OverBlog :<br /> http://fr.forum.over-blog-kiwi.com/activity<br /> <br /> Blog d'aide, trucs et astuces (pour la version Kiwi) <br /> http://the.over-blog.com/mise-%C3%A0-jour-de-mon-over-blog-v2-vers-over-blog-kiwi
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E
Merci Danièle. A un moment donné, j'ai fait la même hypothèse que toi, pensant que la disparition des grands propriétaires évoquait la révolution chinoise. Mais maintenant il me semble que cette hypothèse ne tient pas. Nous sommes en face d'un texte d'inspiration bouddhiste qui, en plus, parle du dieu de l'Ouest.<br /> Je suis allé sur les sites dont tu m'as donné l'adresse mais je n'ai pas trouvé la solution à mon problème. J'en avais déjà vu beaucoup d'autres auparavant. Tant pis, je vais attendre. <br /> <br /> Si vous voulez vous replonger dans l'histoire de la révolution chinoise, cliquez sur mon nom.
D
Je suis désolé. Le passage à la version kiwi d'overblog a entraîné la disparition de l'image autrefois présente sur la page de présentation. Cette page est devenue trop compacte et je n'arrive pas à la transformer. Si un connaisseur de la version kiwi pouvait m'éclairer j'en serais ravi.
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G
Google a référencé cet article.
D
Merci à Olivier, qui, comme chaque fois, signale le nouvel article du blog sur son blog de blogs, que vous pouvez consulter en cliquant sur Etienne Duval.
H
OK j'irai voir et écrire sur le blog si je peux.<br /> La Folie guette le Monde, notre environnement... Mais gardons le moral et soyons vigilants, nourris de Sagesse dispensée par des acteurs d'articles, d'essais, de contes ou de blogs comme toi.
L
Si nous partagions, la pauvreté dans le monde finirait peut-être par disparaître.
F
Merci pour ce beau texte sur le partage . Je le transfère à mon équipe MCC dont le prochain thème de travail est la pauvreté .
L
Cliquez !
D
Merci, Marius, de ta participation au blog, avec beaucoup d’à propos et de vérité. Il y a une chose qui est sûre, c’est que nous sommes tous imparfaits. Mais je vois bien aussi qu’entre les lignes tu critiques les modérateurs qui agissaient comme s’ils détenaient le livre de la loi et les clés de la porte étroite. On ne peut pas les détenir car ils nous échappent sans cesse. Et, dans ce cadre, la psychanalyse a sûrement son mot à dire mais elle ne peut se substituer au Saint-Esprit. Si le jeune novice doit se défaire d’une certaine toute-puissance, les responsables doivent le faire également comme les grands propriétaires du conte, au risque de devoir s’effacer. Pour le pèlerin chinois, il a fallu toute la durée d’un long pèlerinage pour accéder au partage et à la droiture d’intention.
M
On ne peut pas rester indifférent devant la grandeur d'âme de ce jeune pèlerin Chinois que, pour ma part, je trouve très illustratif de ce que le maître des Novices dont j'ai dépendu dans ma 20° année, en 1950, appelait '' la droiture d'intention''. Mais la différence entre le jeune chinois et moi me donne à penser que si la droiture d'intention couronne sans difficulté apparente, ses démarches et ses initiatives, ce n'est pas mon cas. Je me perçois plutôt, pour reprendre les termes de l'Imitation de Jésus-Christ, ancienne traduction, comme ''un cloaque d'iniquités'' quelqu'un dont les intentions ne sont pas droites dans la ligne du ''omnis homo mendax'' de l'Ecriture. Quant à faire comprendre pourquoi nous manquons à la droiture d'intention, c'est-à-dire pourquoi nos offres et nos demandes de partage ne sont pas exaucées, je reprendrais l'exemple donné par le Docteur Charles Nodet, à l'époque où il exerçait la psychiatrie à Bourg en Bresse.Son argument portait sur les raisons pour lesquelles certains aspirants à la vie religieuse canonique se voyaient déboutés de leur intention de partager la vie d'une Communauté ou d'un Ordre religieux. Car Dieu sait si c'est un partage ! A savoir, disait-il, que derrière leur demande explicite de partage communautaire se glissait une demande irrecevable de faire accepter à une Communauté les excentricités narcissiques inconscientes qui subsistaient de leur enfance, au point d' invalider en quelque sorte leur vocation, aux yeux des modérateurs qui détenaient le livre de la loi et les clés de la porte étroite. En termes plus généraux, il y aurait un degré de saturation de nos offres et de nos demandes de partage, par le narcissisme - la disposition consistant pour faire court à idolâtrer notre miroir- que notre prochain serait obligé de se soustraire à notre générosité d'intentions et à nos convocations à partager notre vie avec ses préposés.

  • : le blog mythesfondateurs par : Etienne
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  • : Mythes, articles à partir des mythes, réactions sur le site Mythes fondateurs http://mythesfondateurs.over-blog.com/ Le mythe et le conte sont la parole dans sa première gestation. C'est pourquoi, si la parole est malade, comme le dit Vittorio Gasman, il devient urgent de revenir à ses fondements qui sont encore à notre disposition, à travers les mythes et les contes. Lorsque la parole ne fonctionne pas, c'est la violence qui gagne. Les mythes et les contes, par l'apprentissage du processus symbolique qu'ils proposent, sont là pour nous aider à faire sortir la parole de la violence. C'est de la naissance de l'homme lui-même dont il s'agit.
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