Vaccin contre la rage - Figaro
Nous cherchons un vaccin pour l’humanité mais le vaccin est déjà là
Nous reprenons notre réflexion, là où nous l’avons laissé pour le dernier article du blog. Nous continuons à voyager à la lumière du Bon Samaritain. Or cette parabole nous révèle un maître qui nous dit ce qu’est l’homme en racontant des histoires. Il y a chez lui quelque chose qui nous renvoie au grand philosophe Socrate. Comme lui, il se laisse interpeller par ses auditeurs et répond à leurs questions par de nouvelles questions, jusqu’au terme d’un parcours qui nous fait entrevoir la vérité. Par un certain côté, il cherche à révéler l’homme à lui-même.
On ne peut aller vers Dieu qu’en passant par l’homme
Le Christ vit dans un monde très religieux. Tout est orienté vers Dieu. C’est ce qui fait sa grandeur mais aussi sa fragilité. Il lance alors un pavé dans la mare. Ce n’est pas en disant : « Seigneur, Seigneur ! » qu’on peut entrer dans la vie éternelle mais en s’intéressant à l’homme qui est dans le besoin. A ce moment, un ferment révolutionnaire est introduit dans le monde. Et le maître n’en sortira pas vivant.
Être un homme, c’est tout simplement aimer son prochain comme soi-même
Voici la conclusion à laquelle il veut amener un légiste qui cherche sa voie et tous les disciples qui sont à son écoute. L’exemple du Bon Samaritain parle pour lui. C’est cet hérétique qui est sur la bonne voie, car il s’approche de l’homme laissé à demi mort par des bandits, sur le bord de la route, pour lui porter secours. Un prêtre et un lévite, qui sont témoins de la même scène, ont autre chose à faire : leur devoir les appelle au temple pour servir Dieu Lui-même. Qui est-il donc ce Dieu qui laisse mourir les hommes sur le bord de la route ? Il s’agit tout simplement d’une idole.
La véritable maladie que le monde est en train d’affronter est la non acceptation de l’autre
Aujourd’hui, l’étranger surgit sur notre route parce qu’il est menacé de mort. Il nous fait peur. La réaction de beaucoup d’entre nous consiste à se protéger. Pour eux l’immigré est un ennemi qui nous apporte le malheur. Nous voici, presque tous, en contradiction avec le commandement essentiel du Christ : aimer son prochain comme soi-même. Car notre prochain n’est pas d’abord notre voisin, celui qui appartient à notre village ou à notre nation, mais la femme ou l’homme qui viennent à notre rencontre parce qu’ils sont dans le besoin. Que nous le voulions ou non, nous ne pouvons être nous-mêmes, nous aimer nous-mêmes si nous ne sommes pas dans l’accueil de l’autre, qui se présente sur notre route.
Pour sortir de la maladie qui l’accable, l’humanité trouve son vaccin dans le passage du confinement au déconfinement
Pour simplifier les choses, le vaccin consiste à inoculer la maladie au patient, sous forme atténuée, pour qu’il développe ses défenses. Ainsi avec le confinement, la société oblige chacun à se tenir à distance de l’autre, le privant de tout rapport de proximité. Un prise conscience se fait alors de tous ceux qui nous manquent. Et puis avec le déconfinement le miracle se produit, la vie reprend son cours avec ses moments de rencontre retrouvés et amplifiés, comme l’exprime Mireille, une amie commune, alors que nous nous retrouvions à quatre, hier, dans un superbe jardin. « Chantal, Yvan, votre jardin est merveilleux. Quel bonheur de se retrouver parmi les fleurs, leur lumière, leurs couleurs. Après ces mois de retrait, l’amitié qui est là, dans sa simplicité, sa profondeur, fait du bien. »
J’ai l’impression, après cette expérience, que les portes du jardin d’Eden sont ouvertes. Il est désormais possible de s’aimer soi-même en aimant son prochain. Et le prochain qui vient à ma rencontre, comme dans la parabole du Bon Samaritain, peut me révéler l’amour de Dieu lui-même. En même temps, en tant que non croyant, je vais pouvoir aisément trouver ma voie sans me perdre dans la religion.
C’est l’Esprit qui réunit en chacun l’incroyant et le croyant et qui réunit, entre eux, tous les hommes, qu’ils soient croyants ou non croyants
Il existe, une Force de vie, immanente et transcendante à la fois. Elle colle à la vie de chacun et ouvre à un avenir inédit. C’est ce que j’appelle l’Esprit. Il cultive, en même temps, la liberté et le dépassement. Pour moi, c’est notre compagnon le plus intime, qui prend toujours notre défense même si nous sommes dans l’égarement. Il sait tout de nous et, pourtant, il ne nous juge pas. Il n’y a pas de plus grand ami possible. S’il frappe à la porte, il ne faut pas hésiter à lui ouvrir. Il nous rendra libres, même de croire ou de ne pas croire. Il sait que la foi elle-même a besoin de l’incroyance.
Etienne Duval