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17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 09:01

Une mondialisation prométhéenne, mais la Russie constitue un cas particulier

 

 

Il suffit de lire le mythe de Prométhée pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui dans le monde. La mondialisation s’effectue selon le modèle prométhéen. Et pourtant, en dépit des apparences, la Russie évolue selon un mode beaucoup plus archaïque, qui en fait une mère dévorant ses enfants.

 

Le mythe de Prométhée

 

Prométhée est l’ancêtre de l’homme avec sa figure paternelle et masculine. Il insiste sur la connaissance et le faire et s’enferme ainsi dans la toute-puissance. En ce sens, le mythe constitue une version assez proche du récit de la chute dans la bible, qui est également un mythe, mais apparemment postérieur. Ici, pour simplifier, nous sommes en face de deux arbres, celui de la toute-puissance, dont il faut éviter de manger les fruits, et celui du partage, qui est l’arbre de vie.

 

Prométhée ne veut pas manquer  et cherche à s’appuyer uniquement sur lui-même. En somme, il ne fait aucune place à l’autre, A Zeus lui-même qui est le Grand Autre, et, en particulier, à la femme, qui est son autre le plus proche. Refoulée, elle va revenir sous la forme de Pandore, c’est-à-dire la femme idéale, qui va introduire le désordre parce qu’elle échappe complètement à la réalité.

 

Comme Prométhée veut échapper au manque, Zeus invente pour lui la pédagogie du sacrifice, qui est effectivement un apprentissage du manque. Notre homme frondeur fait alors semblant d’obéir mais trompe le maître de la création, en accédant au mensonge. Désormais, c’en est trop. Zeus lui enlève le feu, l’énergie qui soutient sa toute-puissance, pour cuire les aliments et transformer certains éléments matériels. Aussi, après le mensonge, Prométhée n’hésite pas à voler. Il s’en va au palais de Zeus et vole le feu sacré.

Zeus se sent offensé. C’est à ce moment qu’il va créer le personnage de Pandore, porteuse de tous les malheurs, enfermés dans une magnifique boîte à cadeaux. Epiméthée, celui qui voit après, frère de Prométhée qui voit avant, se laisse prendre aux apparences et ouvre la porte à toutes les souffrances de la terre.

 

Prométhée, lui-même, reste enfermé dans sa toute-puissance, qui l’asservit complètement, au point qu’on le dit enchaîné à un rocher du Caucase avec un aigle qui lui mange le foie. Dans une telle situation, seul un tiers peut le sauver. Ce sera Héraclès, qui le déliera de son rocher et tuera le rapace qui le ronge de l’intérieur.

 

Mais la véritable libération viendra de l’alliance entre l’homme et la femme. L’homme résoudra son problème en acceptant le manque de l’autre et en particulier celui de la femme. On nous parle de la bague que chacun porte au doigt, avec une pierre précieuse, qui serait le rappel du rocher du Caucase. Ainsi la souffrance passée constituerait comme un vaccin, source de résilience. Comme quoi la pensée des anciens avait déjà découvert, ce qui nous semble aujourd’hui des découvertes récentes.

 

Le développement actuel des idéologies prométhéennes

 

Depuis de nombreuses années ont sévi le nazisme de Hitler et le fascisme de Mussolini. Il a fallu des millions de morts pour les anéantir. Mais d’autres idéologies ont fini par les remplacer : le capitalisme, qui poursuit sa course déjà ancienne, le communisme soviétique et le communisme chinois, et plus récemment le « trumpisme », du nom de l’avant dernier président des Etats-Unis. En réalité, le régime chinois constitue un mixte de communisme et de capitalisme, sans oublier le taoïsme, qui balance entre  le yin et le yang. En 1975, je suis allé en Chine, alors que Mao-Tsé-Toung était encore vivant. En réalité,  j’ai été moins séduit par le communisme que par la culture chinoise, qui en était le soubassement.

 

La constitution de blocs rivaux

 

Autour des grandes idéologies prométhéennes finissent par se constituer de grands blocs rivaux. Il faut y ajouter les Etats-Unis, l’Inde et la Russie. Chacun se dispute les influences pour arriver si possible à dominer le monde dans son ensemble. Pour le moment, une telle construction est loin d’être harmonieuse : elle donne naissance à des guerres dans différentes parties du monde.

 

La naissance de dictateurs sans scrupules

 

Prométhée finit par se démultiplier ; Kim–Jong–Un, Poutine, Erdogan, Bolsonaro et surtout Xi-Jinping… Il y en a d’autres en gestation, surtout en Afrique.

En réalité, l’Afrique elle-même est pillée par les grandes puissances qui viennent à son secours pour remplacer la France et, en particulier, la Chine, la Russie et, sans aucun doute, les Etats-Unis. En échange de leurs services réels ou supposés, ils puisent ici les matières premières dont ils ont besoin.

 

En fait, Poutine et la Russie n’obéissent pas au modèle prométhéen ; ils nous renvoient au Sphinx et à la mère dévoratrice

 

Poutine est un cas à part. Il voudrait faire renaître de ses cendres le cadavre impérial. En ce sens, il se place dans un espace infra humain, décrit par un mythe apparemment antérieur à celui de Prométhée. Il s’agit du mythe d’Œdipe et Antigone. Sans s’en rendre compte, il a pris la figure du Sphinx et de la mère dévoratrice.  Pour entrer en humanité, il faut dépasser le stade de la mère dévoratrice. C’est là le sens de la question du Sphinx, qui est la question même de l’homme. Le cadavre impérial n’est plus une mère capable d’enfanter. Elle ne peut que dévorer ses enfants, comme le fait Poutine avec la guerre d’Ukraine. Il est en train de sacrifier les enfants des mères russes, en en faisant vulgairement de la chair à canon. Prométhée éduque les hommes alors que Poutine les sacrifie. Nous sommes en face d’une idéologie extrêmement dangereuse parce qu’elle détruit la civilisation et l’homme lui-même. C’est pourquoi il faut la combattre avant qu’elle ne fasse de plus grands dégâts.

 

Dans le mouvement de mondialisation, l’Europe pourrait servir le rôle de tiers

 

Le monde s’est engagé dans un développement prométhéen. Il pourrait courir à la catastrophe comme Prométhée lui-même, attaché à son rocher. Seul, un tiers, en la personne d’Héraclès, a pu le libérer. Il se pourrait donc que l’Europe, accompagnée d’autres démocraties, soit  susceptible de jouer ce rôle de tiers, dans la situation actuelle. A condition de s’engager réellement dans le partage, y compris dans le partage entre l’homme et la femme, ce qui suppose une meilleure répartition des rôles entre les deux et donc une sérieuse promotion féminine.

 

Mais pour le moment, il s’agit de s’opposer à l’idéologie de Poutine, qui commence  à sacrifier les enfants de la Russie et ceux  des pays voisins. Or le mythe nous oriente vers un exercice de l’intelligence plus que vers une lutte guerrière. Autrement dit il convient de provoquer chez Poutine et les citoyens qui le suivent une réelle prise de conscience en leur posant la question du Sphinx, c’est-à-dire la question de l’homme lui-même.

 

Etienne Duval

     

 

 

 

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commentaires

C
Charles Lallemand<br /> ven. 10 mars 22:27 (il y a 8 heures)<br /> À moi<br /> <br /> Oui la vie éternelle sur laquelle se fonde, dans la vie présente et quand bien même il n'y aurait pas de vie après la mort, la loi symbolique.<br /> Je me souviens de cette expression de Dora pour dire accoucher : Dar a la luz, donner à la lumière.<br /> Buenas noches.
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E
Amener à la lumière, qui va passer par la mort pour passer à l'éternité..
C
Charles Lallemand<br /> 18:14 (il y a 3 heures)<br /> À moi<br /> <br /> Poursuivant dans la même "veine" comme dirait un mineur de fond, j'ajoute qu'introduire l'éternité dans le présent de la vie, et jusqu'au seuil de la mort - "poreuse à l'éternel qui me semblait m'enclore" chante la Jeune Parque de Paul Valéry, c'est, comme souvent Etienne tu le dis toi-même, faire de celle-ci, me semble-t-il, non pas un cul-de-sac mais un passage.<br /> C'est en ce sens que ceux qui accompagnent la fin de vie, comme le commentaient ce matin sur France-Inter Régis Debray et Claude Grange pour la parution: "le dernier souffle", sont en quelque sorte dans les centres de soins palliatifs des accoucheurs de la mort ; cette mort, ajoutaient-ils, qu'on sort par bonheur aujourd'hui du non-dit comme, au siècle dernier, Freud en avait sorti la sexualité.<br /> Bon Café à ceux de Lyon demain sur Oedipe et Antigone.
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E
Comme toi, j'ai &couté avec beaucoup d'intérêt Régis Dbray et Claude Grande. Il est temps que nous premions conscience que la mort fait partie de la vie et que la vie ponctuée par la mort nous ouvre sur la vie éternelle.... C'est en tout cas ce que suggère Antigone...
C
Encore sur mes deux pieds mais ... avec un bâton ! dont ce blog.<br /> Charles
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E
J'espère que ce b^$aton est solide !
C
C'est très juste Etienne et, nous renvoyant à l'énigme de la Sphinge, je retombe ainsi sur mes pattes !<br /> Charles
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E
Merci pour tous tes commentaires qui font vivre le blog !
C
Oui et, plus qu'un avant-goût, cette prière du corps, parce qu'elle est prière, c.à.d. attention, attente, dans le manque et l'impermanence, est chair d'un certain désir, poreuse avec le cœur à ce présent qu'est la vie éternelle. Il s'agit donc dans cette pratique, comme m'y invite aussi ce moine de la Grande Chartreuse, de bien autre chose qu'une simple affaire de technique, mais il est vrai, dans la perception matérialiste de l'immanence, non de la transcendance..<br /> Charles
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E
Tu nous invites à une contemplation qui n’est plus spiritualisation mais mouvement d’incarnation. Sans nous en apercevoir, nous ne marchions que sur une seule jambe. Tu nous incites à marcher, dans la prière ou la contemplation, sur nos deux jambes. C’est peut-être une manière de nous faire entrer consciemment dans la vie éternelle.
C
Merci Etienne pour ce bel éclairage si résilient qui pourrait me garder à l'avenir du stress et, si j'ose ce mot, de quelque "éclair-rage" ! <br /> Pour une bonne compréhension de notre conversation je reproduis ici mon deuxième commentaire<br /> que peut-être tu n'as pas reçu et que donc tu n'as, semble-t-il, pas fait paraître :<br /> " Merci Etienne pour ta réponse que je vais méditer,<br /> avec ta bonne traduction de l'impermanence<br /> qui n'est pas contraire à la vie éternelle,<br /> mais, avant "la prière du coeur",<br /> passant par celle du corps,<br /> résurrection de la chair ! "<br /> D'où mon troisième commentaire et ta présente réponse.<br /> Fraternellement.<br /> Charles
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E
Je trouve intéressant ta prière du corps qui ouvre sur la résurrection de la chair. Sans doute la prière du corps est-elle l’avant-goût de la vie éternelle. C’est, en tout cas, ce que tu sembles suggérer.<br /> Merci.
C
Bonjour Etienne. Ta réponse à mon premier commentaire dans laquelle tu introduis très justement Antigone m'a amené un deuxième commentaire sur ce que tu nommes "vie éternelle", d'où mon évocation de la résurrection de la chair ; je comprends que tu n'y aies pas répondu, je vais donc être plus explicite.<br /> L'expression bien connue : "tu ne l'emporteras pas au paradis", je l'entends comme ce qui s'adresse au moi : individuel, disons égoïste ; mais avec Antigone c'est dans une toute autre dimension : c'est la loi réelle de Créon, la raison d'Etat à laquelle elle oppose la loi symbolique exigeant l'enterrement de son frère, loi sur laquelle s'appuie son désir auquel, au risque de sa mort, elle ne cédera pas. Aussi, quand j'entends dans l'évangile "la résurrection de la chair", c'est de la résurrection de ce désir-là qu'il s'agit, et désir qu'elle emporte avec elle, non pas plus tard, "au paradis", mais dans le moment-même de l'acte, conséquence de son choix : c'est dans ce moment, événement, présent, que se situe, sous mon angle de vue, ce que tu nommes justement "vie éternelle".<br /> Charles
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E
Si je comprends bien ce que tu veux dire, c’est que déjà maintenant nous sommes enveloppés par la vie éternelle. C’est, en un sens, elle qui supporte notre vie dans le temps. La vie éternelle, ainsi, n’est pas une vie à venir. Elle est déjà présente, comme l’élan de la vie lui-même. Elle est ce qui va expliquer la résilience. Elle nous pousse au-delà de nous-mêmes parce que la mort fait partie de la vie, comme le déclic qui va provoquer la résurrection de la chair, au-delà du désir lui-même ou comme son accomplissement.
C
Charles Lallemand<br /> 12:00 (il y a 45 minutes)<br /> À moi<br /> <br /> Merci Etienne pour ton texte qui m'incite, comme tu le souhaites, à intervenir "personnellement", c.à.d. non pas tant à ajouter ma propre analyse à celles qui se succèdent sur l'invasion de l'Ukraine depuis le 22 février 2022 qu'à rechercher, par le recours comme tu le fais à ces deux mythes, une certaine sagesse qui fasse signe dans mon propre quotidien, notamment grâce à la méditation que je pratique matin et soir, de telle sorte qu'elle ne soit pas coupée elle-même de ces événements. Les mythes ont en effet comme les tragédies au théâtre une certaine fonction cathartique de conversion au coeur même de l'humain, au point que ces deux mythes que tu nous proposes me parlent personnellement plus sur ces "événements" que les différentes interprétations que je pourrais en faire et pour lesquelles je n'ai actuellement que des réponses contradictoires ; Car l'événement c'est ce Réel qui ne cesse pas de ne pas s'écrire et qui, le plus souvent, d'abord dans l'immédiat, me heurte, mais que, tel un impossible, je ne puis contourner.<br /> Les mythes, me semble-t-il, avant d'être écrits, nous ont été transmis dans une tradition orale et c'est elle que tu reprends avec tes Cafés-philo en nous donnant l'occasion chacun(e) de nous y exprimer. N'ayant plus guère maintenant la possibilité d'y venir et donc d'intervenir - avec toute la liberté d'improvisation qu'autorise une parole verbale - il me reste l'écrit auquel tu recours toi-même par ton texte si inspirant chaque mois sur ce blog et, par mon propre commentaire, en y réfléchissant comme me parlant à moi-même...<br /> L'apprentissage de l'autonomie m'ayant appris personnellement à ne m'appuyer que sur moi-même, j'observe tout d'abord que dans ces deux mythes, ni Prométhée ni Oedipe ne sont seuls ; les dieux y sont présents au sens de celui que tu appelles "le grand Autre" : c'est Zeus qui répond à Prométhée " Tu as appris aux hommes à travailler, à penser, mais tu ne leur as pas assez appris à vénérer les dieux, ni à leur offrir des sacrifices.Tu dois savoir que c'est des dieux que dépendent la fertilité du sol, la prospérité ou le malheur des hommes. Les dieux décident de leur destin." Quant au jeune Oedipe, inquiet au sujet de son adoption par le roi de Corinthe, il ne reçoit pour toute réponse que : " Seuls les dieux savent de qui tu es le fils " Toutefois ce grand Autre, je le perçois non pas au sens de celui qui décide de mon destin mais, au plus intime de mon inconscient, de mon "daïmon", dans le sens symbolique d'un discours d'autorité où la Vérité tient une place à part qui n'est pas celle à géométrie variable de la "techno-économie" du capitalisme comme l'appelle Edgar Morin, ni celle instrumentalisée par les dictatures sous couvert d'idéologies ou de religions. En sorte que cette place particulière du Vrai, tout en ne m'interdisant pas une certaine autonomie, me laisse confiant au seuil de mon propre inconscient, grâce à une sage méconnaissance - oui, l'interdit de tout-savoir, de la transparence -, celle à laquelle nous invite la réponse du devin Tirésias, d'abord adressée à Oedipe, puis dans les Métamorphoses d'Ovide ( livre III v. 348) à Narcisse : la promesse d'une longue vie, " s'il ne se connaît pas. "<br /> Dans le mythe de Prométhée je rejoins ton analyse que je n'avais pas d'abord perçue : son refus de laisser une place non seulement au grand Autre, Zeus, mais déjà à la femme, son autre le plus proche, en sorte que, refoulée, elle va réapparaître sous forme de Pandore et introduire le désordre parce qu'elle-même, en femme idéale, contourne le Réel.<br /> A la lumière des idéologies prométhéennes tu observes alors la constitution de différents blocs rivaux, ce sur quoi je ne reviens pas, si ce n'est, pour ce qui concerne la Russie, que le maintien par les Etats-Unis de l'OTAN en état de "mort cérébrale", selon l'expression de Macron le 24 décembre 2021, ce "lien transatlantique qui unit la sécurité de l'Amérique du Nord à celle de l'Europe" créé dans le contexte de la guerre froide n'avait plus de raison d'être, bien que déjà en 2008 puis en 2014 les Etats-Unis n'aient cessé d'intervenir en Géorgie, en Ukraine, dans les Etats Baltes et maintenant en Moldavie, et que dans l'esprit de Poutine cette ingérence pouvait constituer une menace existentielle pour le peuple russe n'ignorant rien , comme le rappelait John Mearsheimer à l'université de Chicago le 16 juin 2022, des guerres étatsuniennes au Vietnam puis en Irak et j'ajoute, toutes proportions gardées, de nos guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie "au nom du maintien de la paix", et qui seront condamnées par l'histoire.<br /> Ce qui, par contre, m'a vivement intéressé c'est qu'à la lumière du mythe d'Oedipe tu observes que Poutine est un cas à part : c'est la sphinge (féminin en grec) qui dévore ses enfants. M'interrogeant sur son système de défense pouvant engendrer en réplique à son angoisse existentielle une illusion de toute-puissance, j'ai trouvé sous la plume d'une psychanalyste, Hélène L'Heuillet, Aux sources du terrorisme une réponse qui rejoint pour une part, me semble-t-ll, ton analyse de ce cas à part qu'est Poutine. Nous sommes passés, dit-elle, d'une guerre de gouvernement à une guerre populaire, guerre sans limites, la première ayant vu le jour avec la révolution française et la déclaration de 1793 : "la patrie est en danger"; la guerre devient alors l'affaire du peuple. Cette mutation, dit-elle encore, correspond à l'invention de la guerre moderne, c.à.d. l'invention de la violence absolue ; la guerre populaire rompt avec les conventions et les limites d'une guerre classique qui ne rentre pas dans les intérêts du peuple réduit bien souvent à de la chair à canon ; elle ouvre ainsi la porte aux terroristes, la terreur devenant une arme de guerre d'autant plus efficace qu'elle rompt avec la forme idéalisée de la guerre. C'est le cas du djihad islamiste qui, hostile à la démocratie, se comporte en djihad populaire, et donc aussi, me semble-t-il, celui de la dictature de Poutine dont le terrorisme larvé porte en puissance au sein de son peuple la destruction de toute pensée, suscitant le désarroi mental de ses membres pris dans cette logique.<br /> Poutine, mère dévoratrice, est donc à l'origine d'une toute-puissance qui, rejetant toute altérité, engendre cette perversion. Quant à la question que la Sphinge pose à Oedipe, c'est une énigme, la question même de l'homme, dis-tu, une énigme que je me pose à moi-même ; car le complexe d' œdipe, c'est une énorme prison du désir, prison familiale cadenassée par le désir des parents, l'amour maternel et le désir du père, tout en s'appuyant sur l'interdit de l'inceste : " tu ne retourneras pas dans le sein maternel ". Et c'est peut-être l'anesthésie dans ce nœud oedipien qui fait que le peuple russe se laisse dévorer par Poutine, mère toute puissante !<br /> Pour ma part, en réponse à cette énigme qu'est l'homme, il m'a été donné d'apprendre avec bonheur, grâce à la pratique de la méditation, la prière du cœur, mais d'abord, comme nous y invite un frère moine de la Grande Chartreuse proche de chez moi, la prière du corps, celle qui exerce l'attention silencieuse avec, sans avidité ni aversion, la perception, disent les bouddhistes, de cette réalité universelle qu'est l'impermanence, et préparant ainsi, dans la gravité du désir et de l'attente, la prière du coeur, l'ouverture à l'Autre... et aux autres. Fraternellement. Charles
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E
Je te suis tout au long de ton parcours, jusqu'au daïmon, à la femme comme autre le plus proche et enfin jusqu'à la prière du coeur, qui va à l'encontre de la mère dévoratrice qui dévore l'autre et le sujet lui-même. En ce sens tu vas dans le sens d'Antigone, qui met l'autre dans sa plus grande l'umière puisqu'elle l'aime au-delà de sa propre mort, c'est-à-dire dans une vie éternelle.<br /> <br /> Bon après-midi !
J
Bonsoir Etienne ,<br /> <br /> merci beaucoup pour ton analyse qui me semble pertinente car en plus des mots , les mythes reposent sur des images parlantes .<br /> Je partage ton point de vue et ta peur d'une troisième guerre mondiale où il y aurait pire que ce qui a eu lieu au XX° siècle ...<br /> Croyons en l'Europe ...<br /> <br /> Bien amicalement .<br /> Josiane
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E
J'espère que l'Europe resurgira plus forte, car Poutine la met à l'épreuve.<br /> <br /> Bien amicalement.
C
Une bonne analyse sur la guerre en Ukraine, par Edgar Morin, 102 ans, sur Ouest-France du 20/02/2023 :<br /> "C'est le vieux continent qui est visé"
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E
Charles, merci pour tes références que j'ai fait suivre. Mais je souhaiterais que tu interviennes personnellement, en tout cas, si tu le souhaites.
M
Je viens de lire un article sur la Croix l'histoire d'un écrivain<br /> ukrainien depuis la guerre du 24 février et je reviens alors à ton<br /> article du blog, si on ajoute que pour Poutine à l'origine il croyait<br /> libérer une population amie le mythe de la mère dévoratrice me semble<br /> convenir parfaitement.
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E
Merci de ton commentzire, qui me conforte dans mon interprétation.
G
Gérard JAFFREDOU<br /> 18:34 (il y a 7 minutes)<br /> À moi<br /> <br /> Sans aucun doute, je ferais bien de réfléchir à nouveau et mieux sur « l'idéologie ». J'ai tendance à y voir un ensemble de positions approximatives où l'essentiel viendrait de l'opinion générale acceptée sans vrai examen. Cette « idéologie »-là (comme je conçois le terme) me semble assez loin d'une vérité possible et même un obstacle à une connaissance rationnelle, un obstacle à la discussion qui permettrait une approche de ce qu'on appelle la vérité avec ses limites. Autrement dit ce serait une pseudo-vérité, qui tient-lieu de celle-ci par son acceptation générale.<br /> <br /> Je sais bien que tu ne l'utilises pas dans ce sens. Mais voilà pourquoi je me méfie de ce terme. Je lui donne plutôt une connotation négative. Je vois, dans les discours officiels et les «informations » quotidiennes (ce qu'il est convenu d'appeler ainsi) une bonne dose «d'idéologie» : un vocabulaire très prudent, des points de vue partiaux, des escamotages de la réalité bien choisis , etc... le tout étant produit par une volonté (délibérée?) d'éviter les « sujets qui fâchent » et les points de vue qui feraient trop réfléchir. Au total une propagande douce et discrète, d'autant plus efficace. L'ensemble de ces discours, plutôt ce qu'ils contiennent subrepticement constituent ce que j'appelle « l'idéologie ».<br /> <br /> Je ne pense pas qu'il y a là une volonté délibérée, une manipulation systématique. Je vois un fonctionnement habituel : c'est un « discours » qui se veut, ou se croit, ou se donne pour neutre, donc honnête et est perçu comme tel. (Mais il peut y avoir des esprits tordus comme moi).<br /> <br /> G.<br /> <br /> Nous attendons notre fille, qui vient de Clichy ; je laisserai sans doute ma machine se reposer un peu.<br /> <br /> envoyé : 19 février 2023 à 16:48
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E
Tu fonctionnes manifestement sur l’idéologie, à partir du moment où tu veux tout expliquer à partir d’un seul point de vue, et donc pour toi, à partir du capitalisme. Ou même du marxisme. Mais je ressens plus le blocage chez toi en ce qui concerne les mythes, qui te permettraient de comprendre l’histoire et non l’inverse (cf mon précédent e-mail). Très bonne soirée !
E
Macron s’obstine à plaider pour la diplomatie en vue d’arrêter la guerre en Ukraine. Il a en partie tort, car sa vision du monde n’est pas du tout celle de Poutine, qui est mortifère. Le problème principal est de lui faire changer de vision du monde, sinon, il va nous entraîner dans une guerre sans fin. La guerre est-elle un moyen, grâce à une victoire éventuelle, de lui faire changer d’horizon de pensée ? Il faut sans doute utiliser une autre méthode. La quelle ?
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G
Cher Etienne<br /> Merci pour ta réponse. <br /> Quant à moi, j'essaie depuis assez longtemps de comprendre le monde comme il va, et où il va. J'y mets mon oeil peu optimiste, un peu de connaissances historiques élémentaires, un vieux fond ramené de La Tourette, un peu de militantisme il y a quelque temps et une attention sceptique de plus en plus distante. Mais tu me gardes éveillé et tu m'évites bien des simplifications.<br /> Cependant j'en risque une. J'ai le sentiment (pas la certitude!) que le monde, en ces XXè et XXIè siècles, évolue globalement sans autre règle que celle du profit maximum, ce que protègent du mieux possible les Etats encore utiles, et qu'accepte, résignée ou satisfaite, une forte majorité de l'humanité – et d'abord ses dirigeants!, au nom du « réalisme » et par habitude. « Wagner » me semble un exemple significatif de cet état du monde : l'ordre du monde est aux mains d'institutions privées, les « citoyens » lointains, passifs par force, perdus devant des ensembles politiques complexes autant qu'il faut ; et des institutions, prétendument démocratiques, dont le rôle est réduit le mieux possible. Que faire d'autre que laisser faire ? Ou d'essayer quand même de comprendre un peu. Mais ensuite ?<br /> Ceci pour t'indiquer l'état présent de mon esprit (je n'ose pas dire de ma réflexion) « Monde Diplo'» aidant et toi de même.<br /> Bon dimanche quoi qu'il en soit !<br /> Gérard<br /> envoyé : 18 février 2023 à 22:11
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E
Merci de ta réponse. J’ai longtemps pensé comme toi. Mais, ayant beaucoup étudié l’idéologie, même si ton explication est, en partie, juste, je pense qu’elle reste une simplification parce qu’elle nous cache ce qui peut apparaître de nouveau. Et le phénomène Poutine est une de ces nouveautés importantes. Quelques fois, en tant qu’historien, je te vois bouder les mythes, qui seraient une préfabrication abstraite. Or, je pense le contraire, car, pour moi, ce sont les mythes qui nous aident à comprendre l’histoire ; ils nous aident à percevoir la complexité du réel. Ils sont l’instrument qui nous apprend à écouter la musique du monde. Le réel est une symphonie qui refuse la monotonie.<br /> Bien amicalement.
B
Bernard Beaudonnet<br /> 18 févr. 2023 23:57 (il y a 1 heure)<br /> À moi, Sam, Elodie, vincent.plazy, fazzimonti, Jacques, gillesbercevilleop, hugues, helene, Bernadette, Chaffard, Sylvin, Café-ciné, Chantal, Christiane, christianechabannas<br /> <br /> Je partage entièrement ton point de vue Etienne ...<br /> Je profite de ce mail pour vous indiquer une suite de 4 émissions remarquables sur l'Ukraine, un pays qui m'est cher, sur Arte de 15h40 à 19h45. Ces émissions peuvent être regardées en Replay sur Arte.tv.<br /> Je signale,dans un tout autre ordre d'idées, le N° du Canard enchaîné de cette semaine, qui n'est pas triste, en particulier sur les débats à l'Assemblée Nationale...<br /> Amitiés à tous. <br /> Bernard Beaudonnet
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E
Merci Bernard pour ton appui. Je voudrais faire comprendre que l'idéologie de Poutine est très dangereuse. Il ne s'agit pas d'abord d'une résurgence soviétique, qui nous situerait encore dans l'humain, mais de quelque chose qui détruit l'humanité de l'homme, d'un véritable pourrissement de l'humain. Il faudrait absolument que nous en prenions conscience avant qu'il ne soit trop trop tard, avant une guerre mondiale que nous n'aurions pas voulue.<br /> Bon dimanche !
G
Gérard JAFFREDOU<br /> 21:09 (il y a 27 minutes)<br /> À moi<br /> <br /> <br /> <br /> Je disais que Poutine a "rallié le club" car il me semble que sa "politique" n'a rien ou pas grand- chose de différent de celle pratiquée de ce côté-ci de feu le rideau de fer. Mais je ne sais pas concrètement. Simplement (trop simplement !) je considère que la “vision” “socialiste”, tout ce qu'elle permettait d'espérer et même de vouloir concrètement, a du plomb - et lourd ! dans l'aile. Donc ce que j'ai -et beaucoup d'autres- pu espérer, vouloir, à quoi j'ai consacré une partie de ma vie, reste pour moi une vision d'un avenir possible, souhaitable pour l'humanité. Et elle permet de comprendre pourquoi et comment le système actuel, totalement dominant, est inhumain, radicalement. Combien de notre génération, et combien de la génération suivante pensent ainsi ? Très peu sans aucun doute. Cela rend-il l'idée fausse ?<br /> <br /> Je sais bien qu'il faut "être réaliste" (je l'ai souvent entendu...). Mais admettre (pour toutes sortes de raisons prétendues réalistes, ou de principe ?) qu'aucun autre "système" n'est possible donc souhaitable me parait un renoncement intellectuel grave ; c'est une acceptation paresseuse et même lâche du monde comme il va, et des ravages d'abord humains qu'il produit. Les bons discours et les pitiés me sont insupportables - je n'ai pas besoin de te dire pourquoi. <br /> <br /> Mes années militantes d'autrefois m'ont été heureuses, cohérentes, et lourdes, difficiles. Lâchement, je n'irai pas "rempiler". <br /> <br /> Voilà mon cher Etienne ce que je traîne dans le fond de ma conscience (l'épisode O.P. compris). En gros, je vis avec. Avec souvent ton aide. <br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> G.
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E
Ce n'est pas le communisme que je vise en partlant de Poutine, mais quelque chose de beaucoup plus archaïque, qui est l'héritage impérial notamment avec les tsars. C'est cet héritage qui le conduit à devenir une mère qui dévore ses enfants. C'est vrai qu'il y a des restes du monde soviétique. Ce serait beaucoup moins grave, s'il s'agissait de cela. Avec le marxisme, nous étions dans l'humain. Avec le comportement actuel de Poutine, nous ne sommes plus vraiment dans l'humain. Pour s'en convainsre, il suffit de regarder Prigogine, le responsable de Wagner, qui constitue une réplique grossissante du maître du Kremlin. Personnellement, je pense que le mythe d'Oedipe et Antigone a vu juste lorsqu'il parle du Sphinx et de la mère dévoratrice : lorsque la mère dévore ses enfants, nous sommes dans le contraire de l'humain, parce qu'un tel comportement détruit l'humanité de l'homme.<br /> <br /> Bonne soirée !
G
Gérard JAFFREDOU<br /> 17:48 (il y a 2 minutes)<br /> À moi<br /> <br /> Oui bien sûr. « L'actualité » comme on dit, ou l'histoire récente ... issue de le l'histoire antérieure et qui génère la suite – suggère bien qu'une catastrophe prochaine s'annonce, ou – du moins- est prévisible . Je pense souvent que nous sommes dans une situation comparable aux années 1930 et suivantes. Les dangers montaient, les « événements » permettaient de comprendre- et appelaient clairement à agir. On connaît la suite créée par les aveuglements délibérés et les calculs fort risqués. (Voir notamment Duroselle sur ces questions).<br /> <br /> Je ne sais évidemment pas ce qu'il faudrait faire aujourd'hui et je ne suis pas « à la manoeuvre » - pas plus qu'aucun citoyen. Du moins, pouvons-nous comprendre un peu, et chercher ce que qu'il faudrait voir, dénoncer, refuser.... Nous sommes, paraît-il, en République et en Démocratie. Et dans une Civilisation reposant sur la Raison... sachant que celle-ci ne suffit pas.<br /> <br /> Le problème est bien là où tu dis : « ... l’Afrique elle-même est pillée par les grandes puissances qui viennent (...) remplacer la France (...) » - qui avait, avec d'autres, commencé le pillage. Ce « pillage du Tiers Monde » a déjà été analysé et dénoncé - et a gentiment continué puisque soigneusement ignoré. Il fallait bien sauver notre Niveau de vie, la Croissance, l'Emploi, etc... sans trop s'inquiéter de ceux qui y travaillent durement (quand ils peuvent travailler), ceux du « Tiers Monde" et d'ailleurs- et en oubliant soigneusement ceux qui en profitent le plus : les grandes puissances que tu dénonces, et les plus puissants à l'intérieur de ces grandes puissances. Simple remarque : Poutine a clairement et naturellement rallié le Club.<br /> <br /> De tout cela, il résulte un « niveau de vie » relativement confortable – qui nous permet de regarder autre chose... que le fond des choses, c'est-à-dire le monde comme il va. Et de rester sereins (comme en 1933 ? ).<br /> <br /> D'ailleurs rien ne se répète à l'identique.... <br /> <br /> Gérard.
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E
Merci Gérard.<br /> <br /> Je vois que nous sommes sur la même longueur d’onde. Cependant, je ne pense pas qu’il ait simplement rejoint le club parce qu’il est d’une autre nature, dans de l’infra-humain comme le suggère le mythe d’Œdipe et Antigone, avec la figure du Sphinx et de la mère dévoratrice. C’est la civilisation et l’humanité de l’homme, qui sont en cause. C’est bien pire que le fascisme. Du moins à mon avis.<br /> Bon week-end !
J
"Les femmes ne s'arrêteront pas là" : des épouses et mères russes dénoncent les déboires de l'armée<br /> Par Jean-Sébastien Soldaïni<br /> Publié le dimanche 25 décembre 2022 à 09h12<br /> <br /> 3 min<br /> <br /> PARTAGER<br /> Un soldat russe, en patrouille à Marioupol, le 12 avril 2022.Un soldat russe, en patrouille à Marioupol, le 12 avril 2022. © AFP - ALEXANDER NEMENOV<br /> Courriers, demandes d'échange de prisonniers et enquêtes. En Russie, un collectif - le "Conseil des mères et des épouses de soldats" - monté par la mère d'un soldat, dénonce les déboires le d'armée russe en Ukraine, malgré la volonté de Moscou de les décourager.<br /> Dans cette guerre menée par Vladimir Poutine, il y a des voix qui s'élèvent en Russie et qui comptent pour exprimer leur désaccord. Parmi ces voix, il y a souvent celles de femmes, émanant notamment du "Conseil des mères et des épouses de soldats", un collectif monté par Olga Tsukanova. Maman d’un soldat, cette dernière dénonce notamment les déboires de l'armée russe en Ukraine et l'opacité de l’administration à propos des pertes de Moscou sur le terrain.<br /> Volonté de décourager<br /> L’action d'Olga Tsukanova et de ses collègues s'apparente à une quête dans le vide. Les courriers adressés au FSB pour tenter d'avoir des nouvelles de leurs maris ou de leurs enfants restent tous lettres mortes. Quant aux demandes d'échanges de prisonniers, comme ce fut le cas avec les militaires ukrainiens du bataillon Azov, elles sont purement et simplement ignorées par l'administration. Un "mépris" qui les pousse parfois à mener leurs propres enquêtes. "Le plus souvent, nous cherchons nous-même des vidéos sur Internet, assure Olga. Beaucoup d'entre nous ont reconnu leurs proches sur des images. Une fois, une femme m'a même envoyé une vidéo dans laquelle elle a trouvé son fils mort. D'autres ont reconnu leurs maris parmi des bataillons de prisonniers." Des recherches qui se font un peu au hasard, dans le fouillis des milliers d’images qui abondent sur les réseaux sociaux tels que Telegram. Vertigineux pour des amies d’Olga qui préfèrent aller directement sur le terrain. "Certaines vont même seules dans les morgues, précise cette maman. D’autres demandent à rencontrer ceux qui sont revenus de captivité", à la recherche de la moindre information.<br /> Lorsque des mères de militaires sont reçues au Kremlin par Vladimir Poutine en personne, son collectif n'est pas convié. Celles qui ont pu rencontrer le président russe ont été triées sur le volet. Il ne fallait pas faire de vague. Olga Tsukanova a même reconnu, parmi les femmes présentes, la maman d’un soldat mort en… 2019. Une autre preuve de la volonté du Kremlin de les décourager.<br /> "Ils s'imaginent que notre combat va s'arrêter"<br /> "Tout cela est calculé, affirme-t-elle. Ils s'imaginent que nos actions, que notre combat pour protéger la vie de nos proches va s'arrêter du jour au lendemain. Mais leur stratégie ne fonctionnera pas. Ils oublient que ce dont nous parlons ici pour la plupart d'entre nous, c'est ce qui fait l'essence de la femme. Je veux parler du fait d'être une maman."<br /> Rien ne les freine dans leurs actions, pas même les 14 heures de route qui séparent sa ville, Samara, de Moscou. Récemment, Olga souhaitait se rendre dans la capitale pour mener une action de sensibilisation. Les autorités ne l’ont pas laissé faire. "Ils ont arrêté notre voiture, nous étions trois femmes à l’intérieur. Puis ils ont commencé à chercher de la drogue dans le véhicule. Ensuite, ils nous ont emmenés au poste de police sans explication. Ils nous y ont gardées jusqu'au soir. La journaliste qui nous accompagnait a été accusée 'd'extrémisme', c’était en rapport avec les articles qu’elle écrivait sur nous. Elle a eu droit à un procès dès le lendemain. Mais nous, on nous a clairement dit qu'ils ne savaient pas pourquoi ils nous avaient gardées là-bas." Des manœuvres qui, dit-elle, ne suffisent pas pour la démoraliser, elle et ses collègues : "Les femmes ne s'a
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A
Quand Mère Russie dévore ses enfants<br /> <br /> Des cieux bouchés, une mer d’encre, une côte rocheuse à perte de vue. Telles sont les images qui ouvrent <br /> Léviathan, au son de vagues musicales empruntées à Akhnaten, un opéra de Philip Glass. Puis on découvre une embouchure de rivière plus hospitalière et même une bourgade nichée là. Impression de paix évidemment trompeuse, pour qui connaît les précédents films d’Andreï Zviaguintsev, jamais moins que dubitatif quant à la capacité des humains à vivre ensemble en bonne intelligence.<br /> <br /> Garagiste quadragénaire, Nikolaï (Alexeï Serebriakov) habite là, dans une maison un peu à l’écart, avec sa jeune épouse Lilya (Elena Liadova) et Roma, son fils d’un précédent mariage. Ce matin-là, il se rend à la gare pour accueillir son vieil ami Dmitri (Vladimir Vdovi-tchenkov), un avocat venu de Moscou. C’est qu’un conflit judiciaire oppose «Kolia» au maire de la ville voisine Vadim Cheleviat (Roman Madianov), qui veut l’exproprier pour installer une centrale de télécommunications à la place de sa maison et de son garage. Mais leur appel en cassation est rejeté, bientôt suivi par une visite nocturne menaçante. Face à ce maire arrogant qui a la police et la justice à sa botte, Dmitri tente alors un coup de bluff qui semble d’abord payant…<br /> <br /> La comédie du pouvoir<br /> Un tribunal d’une raideur toute soviétique, un maire ivrogne qui suinte la corruption, sous le portrait de Vladimir Poutine: jusqu’ici nettement plus réservé et allusif dans sa critique de la société russe, l’auteur n’y va pas de main morte. Ne montre-t-il pas également le maire tenir conseil avec l’évêque orthodoxe de la région? La vision devient même carrément ubuesque lors d’une partie de tir entre amis, moment de «détente» où, après les traditionnelles bouteilles de bière et de vodka, on ressort les anciens portraits officiels, de Lénine à Gorbatchev, comme cibles!<br /> <br /> Mais même derrière ces moments qui flirtent avec la comédie, on devine tapie une profonde inquiétude. A l’évidence, le film raconte la lutte d’un homme contre un Etat corrompu et tentaculaire. Mais le monstre est tout autant en lui. Homme entier, «Kolia» en a les réactions excessives. A son côté, le plus civilisé Dmitri paraît son parfait opposé. Mais leur belle association est vite sapée par la démonstration de «reconnaissance» de Lilya envers ce dernier. Et que dire du fils morose qui n’a jamais accepté sa belle-mère? Trahison, jalousie et ressentiments rôdent partout, et cet Etat brutal, indifférent et corrompu n’est sans doute qu’une émanation de ce mal.<br /> <br /> Une vision tragique<br /> La tactique du cinéaste consiste à rajouter une couche de complexité à chaque séquence. Au passage, ses images raillent les puissants, un dialogue fustige la mode des partenariats public-privé, et il n’hésite pas à pointer la collusion entre justice, politique et religion dans la Russie d’aujourd’hui comme d’hier. Mais au fond, sa vision est tragique. L’innocence est tôt fracassée si elle a jamais existé; la beauté finira saccagée et la justice bafouée. Seule une certaine médiocrité, incarnée par un deuxième couple composé par une collègue d’usine de Lilya et un policier peut y survivre.<br /> <br /> Malgré sa tendance au monumental, le regard de Zviaguintsev reste moral, fondé sur l’individu, ses choix et ses actes. D’où un cinéma plus ancré dans l’ici et maintenant que celui de ses devanciers Tarkov­ski et Sokourov. Sa maîtrise formelle est de ce niveau-là, mais sa spiritualité plus circonspecte, son âme peut-être moins russe.<br /> <br /> Imposant squelette sur la plage, baleine au large ou bulldozer destructeur, le monstre mythologique du titre revient souvent à l’esprit. Mais sa vraie présence est métaphorique, appelée par une citation du Livre de Job par le pope du village. Seul sage de cette histoire, tandis que les jeunes réunis dans les décombres d’une église en figurent l’espoir? Quoi qu’il en soit, ce monstre-là nous regarde. Et il vaudrait mieux le remarquer à temps si nous ne voulons pas que notre monde et nos vies s’achèvent en ruines – pour reprendre le titre du morceau de Glass de retour pour la fin.<br /> <br /> VVVV Léviathan, d’Andreï Zviaguintsev (Russie, 2014), avec Alexeï Serebriakov, Elena Liadova, Vladimir Vdovitchenkov, Roman Madianov, Anna Oukolova, Alexeï Rozine, Sergueï Pokhodaev. 2h21.
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E
Le s auteurs du précdent article sont :<br /> <br /> ’Andreï Zviaguintsev (Russie, 2014), avec Alexeï Serebriakov, Elena Liadova, Vladimir Vdovitchenkov, Roman Madianov, Anna Oukolova, Alexeï Rozine, Sergueï Pokhodaev. 2h21.
S
Sam Cannarozzi<br /> 16:21 (il y a 20 minutes)<br /> À moi<br /> <br /> Merci étienne,<br /> <br /> Intéressant ta réflexion sur Poutine commère dévoratrice.<br /> <br /> bien à toi ///<br /> <br /> Samou yada CANNAROZZI
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E
Merci Sam de ton propre commentaire !
G
L'article est référencé pâr google
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J
Une petite erreur de date. Les chapitres 1 à 12 de la Genèse, mythe fondateur des religions juive et chrétienne, ont pour origine Gilgamesh, soit 3500 ans avant notre ère.<br /> Pour le reste, l'utilisation de la mythologie grecque est pertinente. En sacrifiant les Russes, Vladimir semble se sacrifier lui-même.<br /> A mon avis, les 2 savent qu'ils mentent et se mentent..
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E
Tous les mythes se répondent les uns aux autres. Gilgamesh est sans doute présent dans ces échanges, mais Prométhée me semble plus directement en lien avec les récits de la Bible, même si certaines autorités ont plaidé pour le contraire.<br /> Merci pour ton commentaire.

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