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La mort au cœur du partage
La mort, sous ses différentes formes, trouve son sens dans le partage, car elle permet de faire sa place à l’autre.
La vie n’est pas statique, elle est en constante évolution. Pour qu’elle avance, il faut que le passé fasse place à l’avenir, que les formes se transforment et que la vie, tout entière, respire et se développe dans une très grande diversité. La vie est un miracle comme celui de la multiplication des pains. Et pourtant, il n’y a pas de faiseur de miracles. Il est dans la nature de la vie de se déployer en se multipliant. Et la mort est ce petit rien, qui semble n’avoir aucun sens. Sans elle, pourtant, le sens de la vie serait bloqué.
Le partage est le sens de la vie
Tout est partage dans la vie. La cellule est-même se partage pour donner naissance à d’autres cellules. Son secret est la division alors que nous restons bloqués sur l’addition et l’accumulation. Les grands mythes nous le répètent et pourtant nous restons aveugles à la vue de ce qui se déploie sous nos yeux. Le partage est inscrit dans l’évolution créatrice, qui nous entraîne tous dans le fleuve de la vie sans possibilité de retour. Sans cesse, il produit des richesses nouvelles pour combler nos besoins, au-delà de ce qui est nécessaire. Et cependant, aujourd’hui comme hier, nous entendons les plaintes des pauvres, qui n’ont que les miettes pour survivre. Il y a, quelque part, un dysfonctionnement qui nous échappe. Peut-être, Isis, en Egypte va-t-elle nous mettre sur la piste dans le mythe intitulé Ré et Isis.
Isis constate que le partage est impossible avec Ré, le dieu créateur éminemment masculin
Isis fait partie de l’Ennéade. Elle est bien déesse mais, comme les neuf dieux secondaires, elle reste sous la dépendance de Ré, le roi soleil. Si le partage est la loi de la vie, comment se fait-il, qu’il soit impossible avec le maître des cieux lui-même. Il y a là une contradiction qu’il faut lever à, tout prix.
Elle a vite fait de constater que les hommes se représentent le dieu suprême à leur image. Parce que l’autorité de l’homme n’est pas discutée au sein de l’humanité, ils s’imaginent qu’il en va de même pour Dieu. Il n’est pas masculin de nature, mais il le devient dans la représentation des hommes.
Très intelligente, elle découvre que le partage est lié à la mort
Le dieu masculin reste enfermé dans la masculinité : il est enfermé dans le même et ne peut faire sa place à l’autre féminin. En réalité, il lui manque la mort, le manque par excellence, qui, seul, permet de faire sa place à l’autre. Il est, en fait, impossible de partager avec un autre qui n’a pas de place.
Elle commence donc par provoquer une faille dans le dieu tout-puissant, en introduisant, en lui, la mort
Isis joue avec les images pour transformer la conception du dieu créateur. Pour elle, la mort n’est pas une insuffisance. Elle est au contraire, la condition d’une plus grande perfection. Isis prend donc de la rosée, qui est la marque du sperme du dieu créateur, et la malaxe avec du limon pour en faire un serpent, qu’elle met sur le trajet du soleil. Lorsque le soleil arrive, le serpent prend vie et pique le créateur. Celui-ci se sent défaillir et appelle à son secours les dieux secondaires de l’Ennéade. Isis se présente et prétend qu’elle peut le sauver de la mort s’il lui donne son nom. En prononçant son nom, elle le recréera, d’une certaine façon, car un être revit lorsqu’on l’appelle par son nom.
Isis peut alors inscrire le féminin dans le nom du dieu créateur
Le dieu Ré raconte tout ce qu’il fait dans la journée mais ne donne pas son nom. Isis insiste. Le dieu cède et demande à Isis de lui prêter son oreille pour qu’il y introduise le nom obstinément caché. Elle obéit sans résistance. La déesse peut alors faire revivre et guérir le créateur en l’appelant par son nom. En même temps, elle prend soin d’inscrire le féminin dans le nom prestigieux si bien que le partage devient possible entre elle et le dieu Ré.
C’est grâce à la femme (Isis) que la conception intime de dieu trouve son achèvement
La femme est la plus apte à repérer le manque de féminité dans la conception que les hommes se sont fait de la divinité suprême. Il lui appartient donc en priorité de transformer une telle conception.
Selon le mythe de la création, dans la Bible, la femme est née de la mort de l’homme, en tant qu’être uniquement masculin
La Bible, est remplie de mythes. Elle ne les a pas créés : elle les a simplement reconnus, comme porteurs de vérité en les puisant dans son environnement. Il en va ainsi du mythe de la création de la femme (Gn 2-18 à 2-25). L’homme est seul. Pour le sortir de sa solitude, Dieu le plonge dans la mort (la Bible écrit « dans la torpeur »). Il retire une de ses côtes pour en faire une femme. Sous une forme imagée, il nous signifie que la femme est née de l’amour de l’homme. Ainsi l’homme sort de sa solitude masculine et devient homme et femme. Le partage est alors possible entre l’un et l’autre.
Dans la religion chrétienne, la mort du Christ permet son exaltation au bénéfice de tous les hommes, appelés à la résurrection
5 Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus Christ,
6 lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu,
7 mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple homme,
8 il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix.
9 C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
11 et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.
Philippiens 2 :5-11, Louis Segond
Si les pauvres n’ont, pour eux, que les miettes de la création, c’est parce que les hommes, les plus fortunés, ne leur font aucune place. Pour dépasser une telle situation, il faudrait qu’ils renoncent à leur toute-puissance, en acceptant le travail de la mort, sous toutes ses formes, qui consiste à faire une place à l’autre dans le grand partage de la vie.
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