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Arbre de vie
La religion peut avoir un rôle positif dans la société si elle fait respirer la vie
Dans un monde qui, en aplatissant la réalité, tend à oublier la verticalité, je voudrais ici présenter un plaidoyer pour défendre les religions. Mais, en même temps, il me paraît nécessaire d’en souligner les méfaits, lorsqu’elles dissocient la verticalité et l’horizontalité, la mort et la vie, ou encore l’homme et la nature.
Ouvrir à une transcendance
L'être humain ne peut s’enfermer complètement dans le monde. Il y a, en lui, une ouverture à un au-delà , à une dimension transcendante qui contribue à faire respirer l’homme. Ainsi les religieux sont là, comme des jardiniers, pour recueillir les graines de transcendance, les semer, les aider à germer et à porter leurs fruits. Ce faisant ils permettent à l’homme de se redresser et de passer constamment de l’animalité à l’humanité.
Les religions sont multiples
Il n’y a pas une religion unique, il y a des religions multiples qui observent la transcendance sous des angles variés, en fonction de l’époque ou de la diversité des cultures. Au cours de l’histoire, le christianisme a été pris en flagrant délit de terrorisme sur les terres de mission : se situant abusivement au centre de la vie des populations, il méprisait les religions locales et contribuait à les faire disparaître au risque de mutiler les cultures elles-mêmes. Et, au cours des nombreuses années où sévissait l’inquisition, ce n’étaient pas simplement les cultures qui étaient mises en péril, mais c’était la liberté elle-même qui était insultée.
Le christianisme n’est pas le dépassement du judaïsme
Après le judaïsme qui ouvrait sur l’origine, en révélant la transcendance du Dieu créateur et le don de la Loi, le christianisme a mis l’accent sur le terme de la vie humaine : la mort n’apparaissait plus comme une fin mais comme un passage vers une vie éternelle, puisque le Christ lui-même était ressuscité, selon le témoignage des apôtres. Chaque religion révélait ainsi une dimension de l’existence dans son rapport à la transcendance et, sur le plan de la foi, la vérité ne pouvait apparaître que dans un jeu entre les deux. Or, comme toute religion prétendait occuper le centre de la vie humaine, le christianisme a voulu malencontreusement s’approprier toute la place en prétendant hériter de ce qu’il appelait l’Ancien Testament et en rejetant l’élection du peuple juif, qui, dans son domaine, reste pourtant permanente.
De la marginalisation du judaïsme à la marginalisation des Juifs
Progressivement le judaïsme s’est trouvé marginalisé. C’est ainsi que les chrétiens ont été privés de l’héritage vivant de l’Ancien Testament. Et comme, avec les aléas de l’histoire, le christianisme est devenu, à son tour, le lieu central de l’existence sociale et politique, il a renforcé et développé l’antisémitisme. Au lieu de faire respirer la vie, sans même s’en apercevoir, il a fait œuvre de mort en s’enfermant dans une religion particulière qui se prétendait universelle alors qu’il fallait s’universaliser en donnant constamment une place aux autres.
La religion doit renoncer à être le centre de l’existence humaine
En fait, la religion, qu’il s’agisse du judaïsme, du christianisme ou de l’Islam, n’est pas le centre de l’existence humaine, elle doit même y renoncer pour être au service de la vie. La vie est à l’articulation d'une horizontalité et d’une verticalité ; pour cette raison, elle seule peut occuper une place centrale. Mais il est vrai qu’en défendant la dimension transcendante de l’homme, la religion contribue à ouvrir l’espace de la vie elle-même. Ainsi en renonçant à une forme de toute-puissance, elle retrouve sa véritable finalité de servante de la vie.
Seule la vie, dans son élan originel, peut prétendre à une place centrale
En définitive, ce n’est pas la vie au sens banal du terme qui est au centre de l’existence humaine, c’est son élan originel. Chez l’homme, il jaillit au cœur du sujet, Il est la source de la création et de l’amour créatif. Les chrétiens lui ont donné le nom de Saint Esprit, mais cette appellation est trompeuse car, dans la langue française, elle évoque une forme éthérée qui ne convient pas à la réalité qu’elle veut désigner. Esprit, en latin (spiritus) et en grec (pneuma), est le souffle de la vie au sens fort du terme. Il est le lieu de l’articulation, le lieu de tous les entre-deux, qui permettent le jeu entre les êtres et finalement l’explosion même de la vie.
Grâce à l’Esprit, le jeu entre judaïsme et christianisme peut être retrouvé
L’Esprit, comme lieu d’articulation, ne fait pas que le judaïsme soit absorbé par le christianisme, mais il les fait jouer ensemble comme deux religions à part entière. Ainsi il ne peut plus exister de marginalisation, de cette marginalisation qui conduit à la mort en suscitant l’antisémitisme. Ici, c’est la pensée elle-même qui change de forme et de nature : elle ne présente plus l’évolution comme une progression qui absorbe ce qui précède ou comme une mise en tutelle de l’inférieur par le supérieur qui émerge, mais comme un jeu vivant entre les êtres, qui les amène à se transformer ensemble. Il est vrai, que, dans ce jeu, la mort peut avoir sa place car elle fait aussi partie de la vie.
Dans cette perspective, le jeu entre les cultures, les courants spirituels et les individus, va permettre la construction du monde
Sous l’impulsion de l’Elan originel de la vie ou de l’Esprit, les cultures et les courants spirituels peuvent interagir entre elles et entre eux et, dans une forme de jeu créatif, procéder à la construction du monde. Chacun apporte sa part, l’Africain comme le Chinois, le chrétien ou le juif comme le musulman et le bouddhiste, l’artiste et le poète comme le technicien, l’artisan, le paysan ou le commerçant. Après une longue période d’émiettement des tâches et d’isolement des individus réduits à être les parties d’un ensemble, une nouvelle mélodie pourra offrir une place et un rôle à chaque être humain.
Etienne Duval